Dans un discours très attendu mercredi à l’occasion du 80e anniversaire de la rupture par l’Armée rouge du siège nazi de Saint-Pétersbourg (à l’époque soviétique : Leningrad) le 18 janvier 1943, le président Vladimir Poutine a déclaré que la victoire en Ukraine est « inévitable ».
S’adressant à des vétérans militaires, Poutine a déclaré :
« Les opérations de combat à grande échelle impliquant des armes lourdes, de l’artillerie, des chars et des avions n’ont pas cessé dans le Donbas depuis 2014. »
Il a ajouté :
« Tout ce que nous faisons aujourd’hui dans le cadre de l’opération militaire spéciale est une tentative d’arrêter cette guerre. C’est le sens de notre opération – protéger les personnes qui vivent sur ces territoires. »
Le discours était rempli des thèmes habituels sur lesquels il a mis l’accent depuis l’invasion de février, mais il manquait ce que de nombreux experts et responsables occidentaux avaient anticipé lorsque le discours a été dévoilé il y a un jour : une déclaration de guerre formelle.
Mais la mobilisation totale n’est pas encore arrivée ; au lieu de cela, il a de nouveau passé en revue le point de vue de Moscou sur les causes sous-jacentes du conflit.
Dimanche matin, au sud-est de Soledar, les combattants de Wagner ont engagé l’armée ukrainienne dans la ville. Le mouvement de Wagner s’est avéré être une manœuvre de diversion, au cours de laquelle plusieurs unités d’éclaireurs parachutistes russes de Yakovlivka, embarquées sur des véhicules blindés, ont réussi à s’infiltrer dans la périphérie nord de Soledar, y établissant une tête de pont. Au lieu d’avancer pour faire la jonction avec Wagner, la mission des parachutistes était de neutraliser le champ de mines sur le côté est de Soledar en utilisant les systèmes UR-77. Les chars et les véhicules blindés de transport de troupes russes ont immédiatement pénétré dans les couloirs aménagés dans le champ de mines. L’opération de l’armée russe a créé la surprise chez l’ennemi et a été bien conçue et exécutée. À la nuit tombée, la 61e brigade d’assaut commence son retrait de Soledar pour éviter l’encerclement.
En un temps record, l’armée russe a comblé toutes les « lacunes » qu’elle avait. Dans la partie nord du front, elle a stabilisé la ligne de contact le long de la route Sviatove-Kremina. Au sud, dans la région de Kherson, la ligne de front repose désormais sur le Dniepr, un obstacle naturel difficile à franchir pour les Ukrainiens. Récemment, le chef d’état-major de l’armée russe, le général Valery Gerasimov, a indiqué que le front dans la région de Zaporozhye, entre Vasilivka et Vuhledar, a été stabilisé et renforcé par la mise en place d’une défense en couches basée sur 3-4 lignes défensives.
Dans le Donbass, l’armée russe passe à l’offensive dans plusieurs directions. De ce fait, quelques 27 brigades ukrainiennes sont massées derrière les fortifications de Seversk-Soledar-Bahmut pour arrêter l’avancée de l’armée russe. Le général Valery Zalujny n’a plus de troupes prêtes au combat en Ukraine occidentale et septentrionale comme réserve stratégique. Il ne peut pas non plus se permettre de déloger les troupes de la région d’Odessa par crainte d’un débarquement maritime russe. En fait, Zalujny est bloqué parce qu’il n’a aucune idée de la façon dont il peut créer la surprise et prendre l’initiative. Le général Sergueï Sourovikine a désormais toute latitude pour démontrer la supériorité de la pensée militaire russe dans le domaine de l’art militaire. Et les premiers pas, je crois, ont déjà été faits.
Au sommaire de ce cent quatorzième bulletin :
- 00:48 Entretien avec Denis Pouchiline
- 02:08 Poutine vs dictature numérique
- 03:35 Alliance et coopération sino-russe
- 07:42 Stratégie pacifique sud-coréenne
- 08:36 Opération spéciale 2022 : le bilan
- 14:14 Washington acteur irrationnel ?
- 18:00 L’avènement des Gamelins
- 20:45 Échec des armes miracles
- 23:11 Triomphe du dieu de la guerre
- 29:00 Le nouveau mercenariat
- 32:00 La gauche française et la guerre contre la Russie
- 35:55 Kalibrage massif et absence de neige
- 37:35 Carte des opérations militaires
En cette fin d’année 2022 très agitée, Dmitri a émis une série (un thread) de tweets en anglais sur ses prédictions pour 2023. C’est de l’humour russe, mais les vassaux de l’Empire n’en ont plus beaucoup.
On va traduire en substance : en guise de préambule, Dmitri nous explique qu’à chaque fin d’année tout le monde se risque à faire des prédictions pour la suivante, et ça part souvent dans la connosphère. Voici donc son humble contribution sur ce qui peut advenir en 2023...
Il est vrai que cette nouvelle année s’annonce pleine d’incertitudes et d’inquiétudes… d’aucuns redoutent non pas la fin de l’Histoire, non pas la fin de la civilisation mais carrément la fin de l’humanité… ce serait bien triste, car après des siècles et des millénaires de quête philosophique, poétique, artistique…, les hommes et les femmes n’ont toujours pas élucidé ce que pouvait bien être l’humanité, et il serait tragique que l’humanité disparaisse sans qu’elle ait pu élucider sa nature et accomplir son destin.
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Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité de la Russie, a émis plusieurs hypothèses futuristes sur ce qui pourrait se passer dans le monde en 2023. Il l’a écrit sur son canal officiel Telegram.
Selon Medvedev, l’année prochaine, le prix du pétrole pourrait passer à 150 dollars le baril, et celui du gaz à 5000 dollars les mille mètres cubes. Il a également envisagé que la Grande-Bretagne revienne dans l’Union européenne. Toutefois, un tel scénario pourrait conduire à la dissolution de l’organisation et à l’abolition de l’euro en tant que monnaie de l’ancienne UE.
« La prise de possession par la Pologne et la Hongrie des régions occidentales de l’ancienne Ukraine. Création d’un Quatrième Reich à partir de l’Allemagne et de ses satellites. Guerre entre la France et le Quatrième Reich. Le partage de l’Europe, y compris une nouvelle division de la Pologne », a ajouté Medvedev dans le cadre de son hypothèse.
Il a prévu la séparation de l’Irlande du Nord de la Grande-Bretagne, ainsi que l’adhésion à la République d’Irlande. Le vice-premier ministre a envisagé une éventuelle guerre civile aux États-Unis, la séparation de la Californie et du Texas en pays indépendants et la victoire de l’homme d’affaires Elon Musk aux prochaines élections présidentielles.
Medvedev a également évoqué la possible délocalisation de toutes les principales bourses et activités financières des États-Unis et de l’Europe vers l’Asie, la chute du système financier de Bretton Woods, y compris le FMI et la Banque mondiale. En outre, il a suggéré l’abandon de l’euro et du dollar comme monnaies de réserve mondiales et un retour à l’étalon-or.
Cette question n’est pas une hyperbole. Je dirais même que c’est la grande question pour au moins tout l’hémisphère nord.
Je préviens que la Russie se prépare à une guerre totale depuis au moins 2014. C’est exactement ce que Poutine a dit dans son récent discours devant le conseil du ministère russe de la Défense. Si vous n’avez pas vu cette vidéo, vous devriez vraiment la regarder, elle vous donnera un aperçu direct de la façon dont le Kremlin pense et de ce à quoi il se prépare.
Voici à nouveau cette vidéo ...
« Des responsables anonymes du Pentagone ont en fait menacé de mener une « frappe de décapitation » sur le Kremlin… Ce dont nous parlons, c’est de la menace de l’élimination physique du chef de l’État russe, (…) Si de telles idées sont effectivement nourries par quelqu’un, cette personne devrait réfléchir très attentivement aux conséquences possibles de tels plans. »
Il ne sera pas question ici de faire la liste des imbécillités qu’ils profèrent mais de pointer les désastreuses déclarations de l’ancienne chancelière allemande Angéla Merkel à propos des accords de Minsk. Désastreuses parce qu’elles vont avoir un impact considérable sur le rapport de force dans la guerre hybride globale qui oppose l’Occident au reste du monde. Merkel vient de reconnaître que les accords de Minsk, dont l’application aurait permis d’éviter la guerre en Ukraine et la tragédie pour son peuple, n’était dans son esprit qu’un chiffon de papier. Accords qu’elle avait parrainés, promus, et soutenus. Elle est venue tranquillement nous dire que tout cela était bidon, qu’il n’avait jamais été question de les appliquer, mais que c’était une manière de gagner du temps pour se préparer à faire la guerre à la Russie.
Si les Occidentaux croient toujours vaincre prochainement Moscou, les États-Unis ont déjà débuté des négociations secrètes avec la Russie. Ils s’apprêtent à lâcher l’Ukraine et à faire porter le chapeau au seul Volodymyr Zelensky. Comme en Afghanistan, le réveil sera brutal.
Les Anglo-Saxons (c’est-à-dire Londres et Washington) souhaitaient transformer le G20 de Bali en sommet anti-Russe. Ils avaient d’abord fait pression pour que Moscou soit exclu du Groupe comme ils y sont parvenus au G8. Mais si la Russie avait été absente, la Chine, de très loin le premier exportateur mondial, ne serait pas venue. Aussi, c’est le Français Emmanuel Macron qui a été chargé de convaincre les autres invités de signer une déclaration sanglante contre la Russie. Durant deux jours, les agences de presse occidentales ont assuré que l’affaire était dans le sac. Mais, en définitive, la déclaration finale, si elle résume le point de vue occidental, ferme le débat en ces mots : « Il y avait d’autres points de vue et différentes évaluations de la situation et des sanctions. Reconnaissant que le G20 n’est pas le forum pour résoudre les problèmes de sécurité, nous savons que les problèmes de sécurité peuvent avoir des conséquences importantes pour l’économie mondiale ». En d’autres termes, pour la première fois, les Occidentaux ne sont pas parvenus à imposer leur vision du monde au reste de la planète.
Certes, l’image est terrible, mais l’image ne permet pas de gagner des guerres. La stratégie, le courage et la puissance de feu font gagner les guerres. Le général russe Sergueï Sourovikine semble avoir compris ce fait, c’est pourquoi il a pris la décision impopulaire de battre en retraite.
Sourovikine aurait pu faire le choix politiquement plus acceptable et défendre Kherson jusqu’au bout, mais les risques étaient bien supérieurs aux avantages. Au dire de tous, les 25 000 soldats russes présents dans la ville auraient facilement pu être encerclés et anéantis par l’artillerie ukrainienne. En outre, Sourovikine aurait été contraint d’engager davantage de troupes dans une mission de sauvetage qui n’aurait pas fait progresser la stratégie militaire globale de la Russie le moins du monde. L’objectif immédiat de la Russie est d’achever la libération du Donbass, une tâche qui n’est pas encore terminée et qui requiert davantage de troupes qui étaient bloquées à Kherson.
« Si quelqu’un de l’extérieur s’immisce en Ukraine, il doit le savoir : S’ils créent des menaces pour nous… nous riposterons immédiatement. Nous avons tous les outils dont nous avons besoin pour répondre, et toutes les décisions sur ce (sujet), ont déjà été prises. »