Le slogan "All eyes on Rafah" est employé par les manifestants dénonçant les massacres qui se répètent à Gaza depuis dix mois. Il prend aujourd’hui un autre sens : celui de la surveillance militaire absolue des Palestiniens avec les moyens de Google, Microsoft et Amazon, désormais au service d’une "usine d’assassinats de masse".
Le "panoptique" de Jeremy Bentham, rendu célèbre par Michel Foucault, est l’un des "passages obligés" dès que l’on s’intéresse aux questions de la surveillance ou du numérique, qui sont désormais peu ou prou la même chose. On parle de "société de surveillance", de "capitalisme de surveillance", et l’on cite donc Surveiller et Punir.
De là, l'effet majeur du Panoptique : induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. Faire que la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action ; que la perfection du pouvoir tende à rendre inutile l'actualité de son exercice ; que cet appareil architectural soit une machine à créer et à soutenir un rapport de pouvoir indépendant de celui qui l'exerce ; bref que les détenus soient pris dans une situation de pouvoir dont ils sont eux-mêmes les porteurs. Pour cela, c'est à la fois trop et trop peu que le prisonnier soit sans cesse observé par un surveillant : trop peu, car l'essentiel c'est qu'il se sache surveillé ; trop, parce qu'il n'a pas besoin de l'être effectivement. [1]
Gaza correspond aujourd’hui, assez littéralement, à une prison sous surveillance pan-optique : avec des yeux qui voient tout, partout, tout le temps. Avec un élément supplémentaire : cette surveillance qui emploie les outils des plus grandes entreprises américaines du numérique, sert à pointer les cibles qui sont ensuite bombardées. Si vous lisez l’actualité, vous savez que l’armée israélienne (Tsahal) a bombardé des camps de réfugiés [2], des hôpitaux [3], des écoles [4], des zones dites "sûres" [5], des journalistes [6] et des travailleurs humanitaires [7].
La guerre "propre"
Il faut d’abord que je vous parle rapidement de Yuval Abraham, que l’on connaît surtout en France pour une polémique lors du festival de cinéma de Berlin de 2024. Co-réalisateur avec Basel Adra du documentaire "No other land", il avait déclaré, au moment de recevoir le prix du meilleur documentaire : "Basel et moi avons le même âge. Je suis Israélien, il est Palestinien. Dans deux jours, nous retournerons sur une terre où nous ne sommes pas égaux : je vis sous une loi civile, Basel est soumis à une loi militaire. Nous habitons à trente minutes l’un de l’autre, mais j’ai le droit de vote, Basel ne l’a pas. Je peux me déplacer librement sur cette terre. Basel, comme des millions de Palestiniens, est bloqué dans la Cisjordanie occupée. Cette situation d’apartheid entre nous, cette inégalité, doit cesser". [8]
Pour ce discours, Yuval Abraham a été menacé de mort en Israël, mais également critiqué par la classe politique allemande, dont le maire de Berlin : "L'antisémitisme n'a pas de place à Berlin, et cela vaut aussi pour les artistes", a dénoncé le maire de la capitale allemande, Kai Wegner, sur son compte X (ex-Twitter). "Ce qui s'est déroulé (dimanche) à la Berlinale a constitué une relativisation insupportable", a-t-il ajouté. [9]
Pourtant, Abraham sait de quoi il parle. C’est à lui que l’on doit un premier article dans la revue +972, en novembre 2023, qui révèle pour la première fois l’existence d’un logiciel d’IA employé par Tsahal à Gaza : "Un ancien officier du renseignement explique que le système Habsora permet à l’armée de mettre en place une « usine d’assassinats de masse » dans laquelle on met l’accent sur la quantité et non la qualité. Un humain « jettera un œil » aux cibles avant chaque attaque, mais il n’a pas besoin d’y consacrer énormément de temps. Puisqu’Israël estime qu’il y a environ 30 000 membres du Hamas à Gaza, et qu’ils sont tous marqués pour être tués, le nombre de cibles potentielles est énorme." [10]
Car les dispositifs techniques déployés par l’armée israélienne sont pléthore. C’est que la sophistication des moyens de tuer sert d’abord à justifier la guerre que l’on fait, prétextant que les uns tuent comme des barbares, les autres comme des êtres civilisés, moraux, respectueux de leurs victimes.
Dont acte : en France, les plateaux-télé ont fourmillé de commentateurs expliquant que les morts israéliens du 7 octobre, et ceux, palestiniens, qui s’en sont suivis, ça n’était pas pareil. Raphaël Enthoven dit sur BFMTV le 10 octobre 2023 : "Il y a une différence à faire entre des gens qui sont des civils, qui sont assassinés dans la rue par des commandos islamistes et les victimes collatérales de bombardements consécutifs à cette attaque. Il faut marquer cette différence, c'est même très important de la faire." [11]
Caroline Fourest reprend en écho le 29 octobre: "On ne peut pas comparer le fait d'avoir tué des enfants délibérément comme le Hamas, et le fait de les tuer involontairement comme Israël" [12] . Elle insiste encore le lendemain : "Je maintiens, malgré la meute, qu’il existe une différence d’intention fondamentale entre cibler des enfants pour les décapiter et perdre la tête au point de bombarder le Hamas au milieu d’enfants." [13]
François Hollande, désormais député PS, bafouillait en répondant aux questions qui lui étaient posée sur France Info le 7 février 2024 : "Puisqu’on a parlé de l’hommage rendu aux victimes françaises en Israël lors de l’attaque du 7 octobre, est-ce qu’il faudra rendre un même hommage aux victimes à Gaza ?
Bien entendu, cette proposition, ça ne peut pas être le même hommage. Une vie est une vie, et une vie est équivalente à une autre vie. Mais il y a les victimes du terrorisme et il y a les victimes de guerre. […] Les victimes collatérales, vous êtes dans une guerre, vous êtes une victime collatérale, il y en a en Ukraine. [14]
Enfin, Céline Pina, le 6 novembre 2023 sur Cnews est celle qui l’exprime le plus clairement : "Une bombe qui explose et qui va détruire et qui va faire des dégâts collatéraux tuera sans doute des enfants. Mais ces enfants ne mourront pas en ayant l’impression que l’humanité a trahi tout ce qu’ils étaient en droit d’attendre. Là ce qui est horrible, c’est d’imaginer ces enfants qui avaient 8, 9, 10 ans, ces femmes qui sont parties en emportant comme dernière image, une image d’inhumanité, d’atrocité et de mépris de ce qu’ils sont. C’est là où se niche le crime contre l’humanité, la négation absolue. Je pense qu’on aurait intérêt à l’expliquer beaucoup plus parce que sinon le règne de l’émotion met des signes "égal" entre toutes les victimes. Or c’est vrai, un mort Palestinien, un mort Israélien, ça reste deux morts, mais la manière dont ils ont été tués, elle, elle parle de notre inhumanité ou de notre humanité. [15]
Ces déclarations sont à comparer aux témoignages du personnel soignant revenu de Gaza. Citons par exemple le chirurgien Feroze Sidhwa, qui était à l’hôpital de Khan Younis entre le 25 mars et le 8 avril :
A quel point-est-ce difficile pour les enfants qui sont là-bas ?
"Il y a plusieurs aspects à cela. Mais l’un d’eux est la manière dont ces enfants sont morts. La plupart ont été tués dans des explosions où beaucoup d’entre eux se sont probablement retrouvés piégés dans les décombres. Certains vont mourir immédiatement d’un bloc de béton qui leur tombe sur la tête, ou quelque chose de ce genre. Mais beaucoup d’entre eux se retrouvent la jambe coincée dans les gravats, et comme il n’y a pas de machinerie lourde, il n’y a aucun moyen d’aller les chercher ; ils meurent lentement de septicémie alors qu’ils sont enterrés dans ces tombes obscures, seules, gelés pendant la nuit, brûlant pendant la journée. Et ça doit prendre des jours pour chacun d’eux. Trois, quatre, cinq jours pour qu’ils meurent de cette façon. C’est horrible de penser à l’ampleur de leur souffrance." [16]
La rhétorique de la "guerre propre" a déjà été mise en évidence par Grégoire Chamayou dans son livre Théorie du Drone, dans lequel il raconte ce phénomène de distanciation et ses effets sur la doctrine militaire.
"Le drone chasseur-tueur, prétendent ses partisans, représente un « progrès majeur dans la technologie humanitaire ». Par là, ils ne veulent pas dire que cet engin pourrait par exemple servir à acheminer des vivres ou des médicaments dans des zones dévastées. Ils veulent dire tout autre chose : que le drone est humanitaire en tant qu’arme, en tant que moyen de tuer." […]
"Les armées modernes utilisant déjà des logiciels d’aide à la décision censés assurer leur meilleure adéquation aux exigences du droit de la guerre – et, par là, les rendre plus « éthiques » –, on peut se faire une petite idée de la façon dont peuvent, en pratique, se fixer les valeurs pertinentes : aux premiers jours de l’invasion en Irak, ils ont fait tourner des logiciels. Ils ont appelé ça le programme « moucheron écrasé » [bugsplat]. Ce programme informatique estimait le nombre de civils qui seraient tués dans un raid aérien donné. Les résultats présentés au général Tommy Franks indiquaient que vingt-deux des bombardements aériens prévus allaient entraîner ce qu’ils avaient défini comme étant un fort taux de moucherons écrasés – soit plus de trente civils tués par attaque. Franks dit : « allez-y, les gars, on les fait tous les vingt-deux »." [17]
La "guerre propre" est une rhétorique de déculpabilisation et de déresponsabilisation, car on "minimise le nombre de victimes collatérales". C’est tout l’inverse en réalité : les systèmes de surveillance et de ciblage de masse sont utilisés de manière totalement indiscriminée. Au lieu de tuer "moins et mieux", ces dispositifs techniques produisent l'effet inverse.
Surveiller, cibler, bombarder
C’est ce que montre un deuxième article de Yuval Abraham, en avril 2024, révélant l’existence de deux autres systèmes d’IA, "Lavender" et "Where’s Daddy" : "Lavender a joué un rôle central dans les bombardements inédits des Palestiniens, en particulier au début de la guerre. D’après nos sources, son influence sur les opérations militaires était telle que les résultats de la machine d’IA étaient traités « comme si c’était une décision humaine »." […]
"Selon deux de ces sources, l’armée a également fait le choix inédit pendant les premières semaines de la guerre d’autoriser à tuer, pour tout agent subalterne du Hamas marqué par Lavender, jusqu’à 15 ou 20 civils ; par le passé, l’armée n’autorisait aucun "dégât collatéral" pour les assassinats de militants en bas de la hiérarchie. Les sources précisent que, dans l’éventualité où la cible serait un haut-gradé du Hamas, un commandant de bataillon ou de brigade, l’armée a autorisé à plusieurs reprises l’assassinat de plus de 100 civils pour l’assassinat d’un seul commandant." […]
"Afin d’assassiner Ayman Nofal, le commandant de la Brigade Central de Gaza du Hamas, une source affirme que l’armée a autorisé le meurtre d’environ 300 civils, détruisant plusieurs bâtiments dans le camp de réfugiés d’Al-Bureij le 17 octobre, en se basant sur une géolocalisation peu précise de Nofal. Les images satellitaires et les vidéos sur place montrent que plusieurs grands immeubles résidentiels à plusieurs étages ont été détruits." [18]
Cette doctrine de bombardement, non pas aveugle, mais au contraire quasi omnisciente est donc à l’origine de "la mort de 15 000 Palestiniens — presque la moitié du décompte jusqu’à présent [en Avril] — dans les six premières semaines de la guerre". Ces méthodes sont rendues possibles par deux choses : la première, une surveillance de masse de tous les instants. La seconde, qui est son corollaire, la collecte et l’emploi de masses de données sans précédent.
Le journaliste Antony Loewenstein (que j’ai interviewé en novembre ici) l’a expliqué en détail dans son livre, The Palestine laboratory, publié en 2023. La totalité du livre pourrait servir d’exemple. Je n’en citerai qu’un extrait : "L’ IDF [Israeli Defense Forces] utilise la reconnaissance faciale à grande échelle avec un nombre croissant de caméras et de téléphones portables afin de ficher chaque Palestinien en Cisjordanie. À partir de 2019, les soldats israéliens se servent de l’application Blue Wolf pour prendre les visages des Palestiniens en photo, qui étaient ensuite comparés à une base de données gigantesque, surnommée « le Facebook des Palestiniens ». Les soldats étaient mis en compétition pour prendre le plus grand nombre de photos de Palestiniens et les plus prolifiques gagnaient des prix."
"Le système est particulièrement extrême dans la ville d’Hebron, où la reconnaisance faciale et de nombreuses caméras sont employées pour surveiller les Palestiniens, parfois même dans leurs foyers, contrairement aux colons juifs qui habitent là et lancent des menaces génocidaires envers les Palestiniens avec régularité. L’IDF affirme que ce programme était conçu pour « améliorer la qualité de vie » de la population palestinienne."
Ce que corrobore le témoignage d’un ancien soldat de Tsahal en poste à Hébron, rapporté par l’ONG Breaking the Silence en 2020 : "On sort avec Blue Wolf (un système de détection biométrique et de fichage) avec pour objectif : collecter dix visages, collecter dix correspondances avec Blue Wolf."
[...]
Ce qui se joue désormais à Gaza n’est plus la question palestinienne, mais l’ordre international. Après la défaite de l’Otan en Ukraine, celle d’Israël à Gaza marquerait le fin d’un monde. Jamais, depuis trois-quart de siècle, nous n’avons été aussi prêt de la confrontation générale.
L'armée de l’Air israélienne continue de bombarder la ville de Gaza en rétorsion de l’attaque de la Résistance palestinienne unie (sauf le Fatah) du 7 octobre. Les bombes s’abattent sur toute l’agglomération tuant les habitants par milliers. Selon un sondage réalisé en juin 2022 par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, seuls 34 % des Palestiniens voteraient pour le Hamas contre 31 % pour le Fatah si des élections législatives avaient lieu. Les victimes des bombardements israéliens sont donc pour les deux tiers hostiles au Hamas. Simultanément, ils sont 71 % à soutenir la lutte armée contre l’occupation israélienne. De ce point de vue, ils sont 56 % à préférer Ismail Haniyeh (Hamas) à Mahmoud Abbas (Fatah).
Israël ne peut donc pas prétendre éradiquer le Hamas de cette manière, mais uniquement éliminer la population de Gaza qui lui résiste.
L’expulsion des Gazaouis
Les trois quart de l’armée de Terre israélienne stationnent toujours devant le Mur de séparation, attendant l’ordre de le franchir pour achever les survivants des bombardements. Officiellement, les États-Unis espèrent éviter un massacre en incitant Israël à la modération. En réalité, Washington sait que cette opération n’était pas initialement dirigée contre le Hamas, mais visait à résoudre la question palestinienne en expulsant toute sa population. Aussi le département d’État, soucieux d’éviter un génocide, a-t-il proposé à l’Égypte d’annuler toute sa dette extérieure (135 milliards de dollars) si elle hébergeait et naturalisait les 2,2 millions de Gazaouites.
Pour le moment le maréchal Al-Sissi refuse. Le Caire s’en tient à la résolution de la Ligue arabe qui, après la Guerre des Six jours, avait affirmé que déplacer les Palestiniens et les naturaliser n’était rien d’autre qu’une manœuvre faussement compassionnelle pour liquider la cause palestinienne.
Les côtes sud et est de la péninsule disposent également de la téléphonie 4G+ et, de plus en plus, du service 5G, ajouté récemment.
Dans la réserve naturelle d'Ekkerøy, sur la côte sud de la péninsule, au moins 15 000 mouettes tridactyles en voie de disparition sont mortes fin juillet et début août 2023. Les mouettes nichent en été sur de hautes falaises, directement dans la ligne de mire du radar, qui se trouve à 50 kilomètres de là. Le restaurant d'Ekkerøy a été contraint de fermer pour l'été car il pleuvait des oiseaux morts. La population totale de ces oiseaux marins en Norvège n'était que de 50 000 environ. Des sternes et d'autres types de goélands morts ont également été ramassés. La moitié des grues d'Ekkerøy sont mortes.
Le radar, appelé Globus III, a été construit par les États-Unis sur l'île de Vardøya, à Vardø, la ville la plus à l'est de la Norvège, située de l'autre côté d'une baie du nord de la Russie. Il semble faire partie d'un réseau de défense civile appelé Space Fence ou clôture de l'espace. Les détails concernant ce site ont été tenus secrets, mais j'ai trouvé une demande d'information publiée le 22 février 2022 sur le site web du gouvernement américain, SAM.gov. On peut y lire ce qui suit :
« Ce système est unique en son genre et sera mis en service en 2023. Il s'agit d'un système de collecte spécialisé binational et collaboratif. Le programme GLOBUS est un système radar terrestre à double bande composé d'un réseau phasé à semi-conducteurs en bande S, d'une antenne parabolique en bande X, d'un contrôleur de système intégré (ISC) et d'une suite de communication de mission (MCS) hébergée sur un site situé en dehors de la zone continentale des États-Unis (OCONUS).
D'autres radars de la Space Fence sont situés sur l'île de Kwajalein, dans les îles Marshall, et en Australie occidentale. Ces radars à réseaux phasés en bande S (2 GHz à 4 GHz) possèdent chacun 36 000 antennes émettrices, une puissance de crête de 2,7 MW et, lorsqu'ils sont concentrés en un faisceau étroit qui balaie le ciel dans toutes les directions, une puissance rayonnée effective de crête de plusieurs milliards de watts.
La conflagration ne se limite pas au Finnmark ou à la Norvège. L'été dernier, j'ai fait état de la mort massive d'oiseaux marins nichant à proximité de nouvelles antennes aux Pays-Bas et en France (Birds on Texel Island ; Sea Birds' Last Refuges). Cet été, la situation est bien pire. La prolifération continue, dans le monde entier, de tours et d'antennes cellulaires 4G et 5G, ainsi que de parcs éoliens offshore, a tué des millions d'oiseaux sauvages sur les cinq continents, ainsi que des renards, des mouffettes, des ratons laveurs, des pêcheurs, des blaireaux, des martres, des ours noirs, des grizzlis, des lynx, des lions de montagne, des sangliers, des loutres, des opossums de Virginie, des phoques, des pingouins, et d'autres animaux encore.
L'année dernière, 40 % des pélicans dalmatiens nichant en Grèce sont morts, ainsi que 20 % de ceux de Roumanie et un grand nombre de ceux du Monténégro et d'Albanie. En mai 2023, plus de 50 000 oiseaux sauvages morts de toutes sortes avaient été signalés au Royaume-Uni, 40 000 dans l'est du Canada et des dizaines de milliers aux États-Unis. Le 31 juillet 2023, la Chine signalait 5 100 oiseaux morts au Tibet. Les rapports de mortalité proviennent de tous les États des États-Unis et concernent 129 espèces d'oiseaux. Un très grand nombre d'aigles à tête blanche sont morts. En novembre et décembre 2022, plus de 50 000 oiseaux marins sont morts le long des côtes péruviennes, dont 16 890 pélicans du Pérou et 4 324 fous bruns, deux espèces menacées au Pérou. Au Chili, au 1er janvier 2023, environ 10 000 oiseaux marins étaient morts, dont des pélicans, des goélands de varech, des goélands de Belcher, des goélands gris, des cormorans guanay, des fous du Pérou, des sternes élégantes et des vautours fauves.
Le 9 mai 2023, le gouvernement chilien a signalé la mort de 27 977 oiseaux de mer et le 21 juillet 2023, le gouvernement péruvien a signalé la mort de 519 541 oiseaux de mer. Il s'agit d'oiseaux de 65 espèces différentes. En outre, le Chili a signalé la mort de 2 517 manchots de Humboldt, 460 manchots de Magellan, 16 856 otaries et un plus petit nombre de dauphins, de marsouins, de loutres et d'autres types de phoques, tandis que le Pérou a signalé la mort de 9 314 otaries et de 100 autres mammifères marins. Selon un rapport de l'OFFLU, un réseau mondial d'expertise sur la grippe animale, le Chili a perdu au moins 13 % de ses manchots de Humboldt, le Pérou a perdu au moins 36 % de ses pélicans péruviens et le Chili et le Pérou ont perdu ensemble au moins 9 % de leurs lions de mer.
Les ornithologues imputent tous cette catastrophe à la grippe aviaire, alors que la plupart des oiseaux morts ne présentent aucune trace du virus de la grippe et que ceux qui sont positifs présentent tous des variantes différentes du virus et ne peuvent donc pas se le transmettre, et encore moins le transmettre aux ours et aux pingouins. Par exemple, l'Institut vétérinaire norvégien a recherché le virus de la grippe chez 233 oiseaux morts entre le 14 août et le 1er octobre 2023. Ils ont trouvé le virus H5N1 hautement pathogène chez 8 oiseaux, le H5N5 hautement pathogène chez 2 oiseaux, le H5Nx hautement pathogène (autres sous-types) chez 2 oiseaux, le H5Nx faiblement pathogène chez 6 oiseaux, un "autre virus de la grippe A" chez 8 oiseaux et aucun virus chez 207 oiseaux.
Pourtant, les États-Unis stockent déjà un vaccin contre le H5N1 au cas où il se propagerait à l'homme et provoquerait une pandémie.
La disparition des insectes fait également la une de l'actualité. Norman Leppla, professeur d'entomologie à l'université de Floride, a déclaré que l'infestation de punaises de l'État avait complètement disparu. Ces insectes venaient en masse au printemps et à l'automne, entre mai et septembre, avec une légère variation selon que l'on se trouve dans le nord ou le sud de l'État. « Ce n'est pas subtil, ils ne sont vraiment pas là cette saison », a-t-il déclaré dans une interview publiée le 5 octobre 2023. Mais personne ne met cela sur le compte de la "grippe aviaire".
Les parcs éoliens ont également des effets dévastateurs sur les oiseaux, comme l'ont démontré des scientifiques allemands dans un article publié dans Nature le 13 avril 2023. Ils ont constaté que les populations de plongeons catmarins se sont effondrées en mer du Nord après la construction de cinq groupes de parcs éoliens offshore entre 2010 et 2014. Leurs populations ont diminué en moyenne de 94 % à moins d'un kilomètre d'un parc éolien et de 52 % à moins de 10 kilomètres, avec une certaine réduction de la population à des distances allant jusqu'à 24 kilomètres.
Les parcs éoliens tuent également les baleines. Au moins 32 baleines ont été retrouvées mortes sur la côte est des États-Unis au cours des derniers mois, ce qui a incité un groupe de législateurs du New Jersey à demander un moratoire immédiat sur les parcs éoliens en mer dans la région.