Alors que le Danemark s’apprête à devenir le premier pays au monde à taxer les agriculteurs pour les gaz à effet de serre émis par leur bétail, les critiques affirment que le véritable objectif est de consolider le contrôle de l’approvisionnement alimentaire et de passer à une “alimentation pharmaceutique” contrôlée par les entreprises.
Le Danemark est sur le point de devenir le premier pays au monde à taxer les agriculteurs pour les gaz à effet de serre émis par leur bétail, grâce à un accord conclu le 24 juin entre le gouvernement danois et les représentants de l’industrie agricole et des syndicats.
La taxe, qui vise spécifiquement les émissions de méthane des vaches, des porcs et des moutons, entrera en vigueur en 2030, sous réserve de l’approbation finale du Parlement danois, a rapporté l’Associated Press (AP).
À partir de 2030, les agriculteurs devront payer une taxe de 300 couronnes (environ 43 dollars) par tonne d’équivalent dioxyde de carbone. Ce montant passera à 750 couronnes (108 $) d’ici 2035. Après une déduction fiscale de 60 %, les montants respectifs seront de 120 couronnes (17,30 $) et 300 couronnes.
CNN, citant le “think tank vert” danois Concito, a rapporté que les vaches laitières danoises émettent en moyenne 5,6 tonnes (6,2 tonnes américaines) d’équivalent CO2 par an. Il en résulterait une taxe de 672 couronnes par vache (96 dollars) en 2030 et de 1 680 couronnes (241 dollars) en 2035.
Les émissions respectives de toutes les vaches danoises s’élèvent en moyenne à 6,6 tonnes d’équivalent CO2 par an, selon l’AP, qui rapporte que le gouvernement danois vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays de 70 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030, citant le ministre de la fiscalité Jeppe Bruus.
Selon CNN, le produit de la taxe sera utilisé pour soutenir la transition écologique de l’industrie agricole au cours des deux premières années, y compris l’investissement de 40 milliards de couronnes (3,7 milliards de dollars) pour des mesures telles que la reforestation et l’établissement de zones humides.
Après deux ans, la taxe sera “réévaluée”.
Le Danemark est un important exportateur de viande de porc et de produits laitiers, selon CNN. L’agriculture est la plus grande source d’émissions de gaz à effet de serre du pays. L’AP rapporte qu’en juin 2022, le Danemark comptait près de 1,5 million de vaches.
La taxe encouragera les agriculteurs à rechercher des solutions pour réduire les émissions
Les partisans de la taxe soulignent que le Danemark est le premier pays à adopter une telle politique, la qualifiant d’étape vers une plus grande durabilité environnementale.
“Nous ferons un grand pas vers la neutralité climatique en 2045”, a déclaré M. Bruus.
“Nous investissons des milliards dans la plus grande transformation du paysage danois de ces derniers temps”, a déclaré le ministre danois des affaires étrangères, Lars Lokke Rasmussen, dans un communiqué cité par CNN. “Dans le même temps, nous serons le premier pays au monde à appliquer une taxe (sur le carbone) à l’agriculture.
Selon Torsten Hasforth, économiste en chef de Concito, “l’objectif de la taxe est d’inciter le secteur à chercher des solutions pour réduire les émissions”, rapporte CNN. M. Hasforth a fait remarquer que les agriculteurs pourraient, par exemple, modifier les aliments qu’ils utilisent, dans le cadre de leurs efforts de réduction des émissions.
La Société danoise pour la conservation de la nature a qualifié la taxe de “compromis historique”, dans des propos cités par l’AP. La présidente de l’organisation, Maria Reumert Gjerding, a déclaré : “Nous sommes parvenus à un compromis sur une taxe sur le CO2, qui jette les bases d’une industrie alimentaire restructurée, y compris de l’autre côté de l’horizon 2030”.
Ben Lilliston, directeur des stratégies rurales et du changement climatique à l’Institut pour l’agriculture et la politique commerciale, a déclaré à PBS NewsHour que les émissions de méthane constituaient “un énorme problème… un énorme défi”. Selon lui, si le méthane reste moins longtemps dans l’atmosphère que le CO2, il est “environ 80 fois plus puissant”.
“Si vous réduisez le méthane, vous pouvez obtenir des résultats à plus court terme et nous donner un peu plus de temps pour réduire les émissions de dioxyde de carbone”, a déclaré M. Lilliston.
La taxe carbone imposée aux agriculteurs est une “expérience effrayante”.
La taxe carbone du Danemark a été adoptée malgré les récentes manifestations d’agriculteurs dans toute l’Europe, notamment à Bruxelles, capitale de facto de l’Union européenne (UE) et centre de décision politique de l’UE.
Les agriculteurs ont exprimé leurs griefs à l’égard des nouvelles réglementations environnementales et de la mainmise des entreprises sur l’agriculture européenne.
Ces dernières années, des États membres de l’UE tels que l’Irlande et les Pays-Bas ont également mis en œuvre des plans visant à limiter l’agriculture et à abattre le bétail, ce qui a donné lieu à des manifestations dans ces pays.
La Nouvelle-Zélande a prévu d’adopter une taxe sur le carbone, qui devrait entrer en vigueur en 2025. La taxe, adoptée par le précédent gouvernement de centre-gauche du pays, a été abrogée le mois dernier par la nouvelle coalition gouvernementale de centre-droit de la Nouvelle-Zélande, selon l’AP.
La nouvelle taxe danoise sur le carbone fait l’objet de critiques, certains experts estimant qu’elle constitue une charge supplémentaire pour le secteur agricole, en particulier pour les petits exploitants.
CNN a cité l’association danoise des agriculteurs Bæredygtigt Landbrug, qui a qualifié la nouvelle politique d'”expérience effrayante”.
Peder Tuborgh, PDG d’Arla Foods, la plus grande entreprise laitière d’Europe, a déclaré à CNN que la nouvelle taxe était “positive”, mais que les agriculteurs qui “font vraiment tout ce qu’ils peuvent pour réduire les émissions” devraient en être exemptés.
Dans des remarques partagées avec The Defender, Catherine Austin Fitts, fondatrice et présidente du Solari Report, a déclaré : “Les émissions sont une histoire de couverture pour réaliser les étapes du ‘Going Direct Reset‘ des banquiers centraux”.
Selon Fitts, l’objectif de cette “réinitialisation” est de “consolider le contrôle de l’approvisionnement alimentaire, en passant à la “Pharma Food” contrôlée par les entreprises, et de déplacer la disponibilité de l’énergie de la population générale pour alimenter un réseau de contrôle électrique qui fournira l’IA[intelligence artificielle], la robotique, les cartes d’identité numériques et un système financier entièrement numérique“.
“Nous échangeons des aliments frais et la liberté contre des camps de concentration numériques et de la viande produite en laboratoire”, a déclaré Mme Fitts. À Wall Street, nous avions l’habitude d’appeler cela un “mauvais commerce”.
D’autres critiques ont déclaré au Défenseur que la nouvelle taxe du gouvernement danois a moins à voir avec la protection de l’environnement et la réduction des émissions qu’avec la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et des objectifs d’entités mondiales telles que le G20 et le Forum économique mondial (WEF).
Meike Terhorst, avocate et activiste néerlandaise, a déclaré au Defender :
“Je pense que ces mesures n’ont rien à voir avec la durabilité, mais avec le pouvoir. Un groupe d’entreprises, les soi-disant mondialistes/banques/investisseurs, comme le WEF, travaillent ensemble avec des gouvernements, comme le G20, et ensemble ils peuvent forcer les petits agriculteurs à quitter leurs terres”.
Tim Hinchliffe, rédacteur en chef de The Sociable, estime que les petites exploitations agricoles seront les plus touchées par la nouvelle taxe.
Les petits agriculteurs seront les premiers à disparaître, et leurs terres seront très probablement utilisées pour abriter diverses initiatives dites “vertes”, telles que des laboratoires de fausse viande, des hectares de panneaux solaires et d’éoliennes à perte de vue, de nouveaux centres de données d’ IA qui nécessitent des tonnes d’eau, d’énergie et de terres, et peut-être même des centrales nucléaires pour alimenter ces centres de données”, a-t-il déclaré.
De même, Terhorst a déclaré que l’objectif est de “fermer les petits agriculteurs dans le cadre de l'”Agenda 2030” – les ODD de l’ONU – ou du programme de prise de contrôle par les entreprises.”
Selon M. Terhorst, cet agenda vise à “garantir que les petits exploitants agricoles soient retirés de la terre et remplacés par une agriculture “numérique””, c’est-à-dire à “remplacer la viande et le lait par des aliments ou du lait à base d’insectes fabriqués en usine et par de la viande cultivée en laboratoire“.
Les critiques ont également remis en question les affirmations selon lesquelles des politiques telles que la taxation du carbone contribuent à promouvoir la “durabilité”.
“Lorsque les mondialistes non élus du WEF et de l’ONU parlent de durabilité, ils n’entendent pas par là l’autosuffisance de l’individu. Ce n’est pas du tout ce qu’ils veulent. Ils veulent s’assurer un contrôle, une influence et un pouvoir durables pour les décennies à venir”, a déclaré M. Hinchliffe :
“À mon avis, le véritable objectif est de prendre le contrôle de terres agricoles de premier choix et de taxer les agriculteurs pour qu’ils disparaissent. Lorsque les taxes deviennent trop élevées et que les agriculteurs ne peuvent plus suivre, des entités publiques et privées interviennent pour prendre le contrôle des terres.
“S’ils croyaient vraiment que les animaux de ferme flatulents étaient responsables du climat, ils n’auraient qu’à planter davantage d’arbres pour absorber le carbone, et leur crise imaginaire serait résolue, mais ils ne le font pas parce que ce qu’ils recherchent vraiment, c’est l’accaparement des terres, l’argent, et le contrôle total de nos systèmes alimentaires”.
Selon M. Hinchliffe, les organisations mondiales visent également à modifier les habitudes humaines, y compris la consommation de viande. Il a dit :
“Sur le plan nutritionnel, des groupes comme le WEF et l’ONU veulent que nous mangions moins de viande et plus d’insectes, ce qui ne fera que nous rendre plus faibles et plus dociles en tant qu’espèce au fil du temps.
“En cas d’épidémie ou de contamination, les citoyens du monde entier souffriront parce qu’il n’y aura pas d’alternative. Les agriculteurs locaux auront disparu à cause des taxes sur le carbone et de l’accaparement des terres.
“L’industrie de la viande biologique a été organisée et financée par les investisseurs et les banques qui font partie du WEF”, a déclaré M. Terhorst. “Si nous voulons devenir durables, nous devons limiter les pouvoirs des investisseurs et du WEF et soutenir les petits agriculteurs.
M. Hinchliffe a ajouté : “Si les taxes sur le carbone ne parviennent pas à étouffer complètement l’esprit humain, elles prévoient déjà de taxer à peu près tout le reste de la nature, y compris l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et le sol même sur lequel nous marchons”.
Dans cette vidéo, nous explorons le phénomène inquiétant de l’accaparement des terres agricoles en France. Alors que les agriculteurs français font face à une crise de vocation et au vieillissement, de grandes multinationales et des fonds d’investissement s’approprient des hectares de bonnes terres cultivables. Ce phénomène, observé dans de nombreux pays, menace l’avenir de l’agriculture française, sa diversité et la qualité de ses produits. Nous discutons également des limitations de la SAFER et des propositions pour mieux protéger nos terres.
Basta! : Les études concluent à une surmortalité par suicide des exploitants agricoles par rapport à la population générale. Le risque est par exemple trois fois plus élevé chez les agriculteurs que chez les cadres. Pourquoi les agriculteurs se suicident-ils plus que les autres catégories socio-professionnelles ?
Dominique Jacques-Jouvenot : L’argument économique, le fait de ne pas gagner sa vie, fait partie des facteurs de sur-suicide. Mais d’autres facteurs reviennent régulièrement dans les entretiens menés avec les familles de suicidés. Les proches disent beaucoup : « De toute façon il avait peur de ne pas y arriver ».
Ce qui est ici en question c’est le rapport à l’école. On entre dans le métier en délaissant une part des savoirs qui, aujourd’hui, sont nécessaires pour faire fonctionner une exploitation : la comptabilité gestion et les demandes de subventions notamment. Beaucoup d’agriculteurs ne se sentent pas capables de faire face à tout ce travail administratif qu’ils appellent tous « la paperasserie ».
L’autre aspect est que ceux qui se suicident sont plutôt sous-diplômés par rapport à la population des jeunes en formation. Ils sont aussi souvent sans conjointe ou sans femme à la maison – dans le cas où la mère est décédée par exemple. Or, ce sont elles qui, généralement, gèrent le fonctionnement de l’entreprise. Se retrouver sans personne pour faire ce travail administratif et être peu diplômé, sont deux éléments très importants dans le passage à l’acte. Sans parler des conflits intrafamiliaux : des pères qui ne veulent pas laisser leur place, ce qui fait que le jeune n’arrive pas à trouver la sienne, les difficultés de cohabitation entre belle mère et belle fille... Les facteurs sont pluriels.
Cela n’a donc pas dû vous étonner qu’une des principales revendications de la crise agricole soit une demande de simplification ?
J’étais sociologue des professions et c’est un aspect qu’on retrouve dans tous les métiers. Qui n’a pas déjà dit : « Je n’ai pas fait ce métier là pour faire des papiers ou remplir des dossiers ». Les paysans ne sont pas différents des autres sur ce point. Mais jusqu’à maintenant, les femmes ou les conjointes s’occupaient souvent de la partie administrative. Ce sont les hommes qui, en général, n’arrivent plus à suivre le fonctionnement de l’exploitation.
On a fait des enquêtes où les femmes racontent comment elles apportent le courrier à leur mari ou à leur fils au moment des repas. Elles leur donnent les papiers entassés sur la table de la cuisine en disant « regardez, ça ne va plus ». Et elles savent que les hommes vont leur dire « débrouille toi » jusqu’à ce que ce soit la catastrophe. Il apparaît régulièrement qu’un agriculteur se soit suicidé après que sa femme avait décidé de travailler à l’extérieur, parce qu’elle en avait assez de faire le travail d’administration de l’exploitation.
Les études montrent que le suicide des petits éleveurs est deux fois plus élevé que les grands céréaliers. Fait-on face à des inégalités sociales entre agriculteurs face au suicide ?
C’est évident. Il y a vraiment une différence dans les revenus, y compris dans la nouvelle PAC (politique agricole commune). Les gros exploitants sont 20 % de la population des agriculteurs à toucher 80 % des subventions européennes, ce qui est un facteur d’inégalités absolu.
La moitié des fermes françaises sont dirigées par des exploitants âgés de 55 ans ou plus. Cette période de la retraite et de l’éventuelle passation est-elle critique ?
Ne pas arriver à céder est un facteur de risque. Mais je le relativise avec une récente enquête que j’aie menée auprès des jeunes. Certes, il y a des situations de suicide car le fils n’a pas voulu reprendre. La question des filles est très particulière : elles sont d’emblée exclues de la succession s’il y a un garçon, dans les situations d’élevage en tous cas.
Ce que j’ai vu en revanche, ce sont des fils qui reprennent l’exploitation et qui n’ont pas fait d’étude. La mère s’occupe de l’administratif et le père donne ses ordres le matin, sans autonomie du fils, même si celui-ci a 40 ans. Lorsque ce dernier perd son père ou sa mère, le risque de suicide est très important.
Ce sont des fils désemparés quand il n’y a plus un des parents car il n’y a pas d’autonomie du tout. Ils n’ont jamais fait autre chose que ce qu’on leur disait de faire. Toutes les personnes qu’on a interviewées sont dans des situations de sur-travail pour ne pas penser. En l’occurrence c’est donc plutôt l’héritier que le cédant qui, par manque d’autonomie, peut se retrouver dans une situation à risque.
Comment réduire ces situations à risque chez les jeunes ?
Le conflit vient toujours de l’impossibilité pour celui qui arrive de prendre sa place, même sur des exploitations très performantes. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’argent ou qu’on n’arrive pas à sortir de salaire pour le plus jeune. Il y a une proximité qui finit par être insupportable s’il n’y a pas de partage et d’organisation du travail un peu différente de celle d’une organisation familiale. On est dans des schémas où le père décide et continue tant qu’il est en vie. Il faut trouver l’autonomie, c’est à dire être capable de faire quelque chose « à sa main » tout en partageant éventuellement l’espace de travail.
Des travaux montrent que plus on exerce sur une petite exploitation, plus le risque de suicide est élevé. Les « petits » seraient davantage isolés, avec un taux de célibat définitif plus important que les agriculteurs installés sur de plus grandes exploitations…
Il est important de préciser ce qu’on entend par « isolement ». Ce que j’ai surtout vu, ce sont des isolés sans femme. Je pense à des jeunes qui arrêtent l’école pour reprendre l’exploitation familiale et ne trouvent pas d’épouse. C’est un vrai isolement d’être fils célibataire dans sa famille. Ce sont aussi des familles qui le plus souvent ne sont pas bien intégrées dans le village.
Lorsque la mère meurt, c’est un moment très critique. Quand on regarde qui fait le travail administratif, c’est toujours une femme. La profession n’est pas libérée du poids du lien entre famille et travail. C’est très vrai dans l’élevage, mais aussi dans d’autres filières comme la viticulture.
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Cibler l’environnement pour éteindre la colère agricole. C’est le choix fait par le gouvernement français début février qui a notamment annoncé la suspension du plan Ecophyto. Celui-ci visait à réduire de moitié les usages de pesticides d’ici à 2030. Pour l’exécutif, la protection de l’environnement serait incompatible avec le fait de produire : les normes environnementales sont réduites à des tracasseries administratives empêchant la profession agricole de vivre bien. Les études scientifiques s’accordent pourtant sur le rôle des pesticides - notamment des néonicotinoïdes - dans l’effondrement des populations d’abeilles, ou des conséquences de l’agriculture intensive sur la disparition des oiseaux et de la diversité florale.
Un grand laboratoire à ciel ouvert de 45 000 hectares dans les Deux Sèvres, créé il y a 30 ans par le chercheur Vincent Bretagnolle en collaboration avec les agriculteurs, montre au contraire que la protection de la biodiversité, notamment des insectes pollinisateurs, permet d’augmenter les rendements. Ce terrain d’expérimentation révèle aussi que les agriculteurs parviennent à augmenter leur revenu en diminuant les pesticides et les fertilisants comme l’azote de synthèse. Il nous a semblé essentiel à Basta! de diffuser cet entretien avec Vincent Bretagnolle pour que cette expérience scientifique à grande échelle sur les changements de pratiques agricoles soit davantage connue.
Sophie Chapelle : Faut-il parler d’érosion ou d’effondrement de la biodiversité ?
Vincent Bretagnolle : Les deux termes sont appropriés. Chaque année, on assiste à une érosion lente de la biodiversité : on perd 1 à 2 % des effectifs d’oiseaux en milieu agricole dans tous les pays d’Europe. Au bout de 50 ans cela représente au moins 50 % des oiseaux ! On peut donc parler d’effondrement quand on prend du recul.
Quelles sont les données les plus évocatrices en la matière ?
On a des données très précises sur les populations d’oiseaux [1]. Elles déclinent particulièrement en milieu agricole – cinq à huit fois plus vite que dans les milieux boisés par exemple. Une trentaine d’espèces sont inféodées au milieu agricole en France – perdrix, cailles, busards cendrés, alouette des champs, outardes canepetières.... Ces espèces là diminuent encore plus vite que les autres.
Les données sur les insectes vont dans le même sens. 90 % des populations de papillons diurnes européens ont disparu des milieux agricoles. Pour les criquets et carabes, la baisse observée est de 30 à 50 % sur notre site d’étude. Il n’est donc pas étonnant que les oiseaux disparaissent puisqu’ils se nourrissent d’insectes. La baisse de l’un entraine la baisse de l’autre. Il y a un effondrement à long terme de la biodiversité, des insectes et des oiseaux.
[...]
Les gouvernements leur répondent avec des mesures d’ajustement, des simplifications bureaucratiques et quelques paroles de réconfort. En réalité, ils sont impuissants face à une structure conçue pour appliquer une idéologie qui se révèle folle.
Dans toute l’Europe occidentale et centrale, les paysans manifestent. Ce fut d’abord aux Pays-Bas, en Italie, en Suisse et en Roumanie, aujourd’hui en Espagne, en France, en Allemagne et en Pologne. Cette jacquerie à l’échelle continentale se soulève contre la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne.
Lors de la signature du Traité de Rome, instituant la Communauté économique européenne, en 1957, les six États fondateurs (Allemagne de l’Ouest, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) ont accepté le principe de libre circulation des marchandises. Ils s’interdisaient ainsi toute politique agricole nationale.
Afin de garantir des revenus aux paysans, ils mirent donc en place une politique agricole commune. Selon les États-membres, une aide de l’Union européenne est versée aux régions qui les répartissent aux agriculteurs ou directement aux exploitants (comme en France). C’est le « Premier pilier ». En outre, la Commission européenne détermine des normes de production afin d’améliorer la qualité de vie des populations rurales et celle de leurs productions. C’est le « Second Pilier ».
Le Premier pilier n’a pas résisté à l’élargissement de l’Union européenne, et au passage au libre-échange global (L’UE adhère à OMC en 1995) qui induit une augmentation démesurée des subventions communautaires. Le Second pilier a été pulvérisé par le Pacte vert pour l’Europe (2019) qui ambitionne de faire baisser la température de la Terre en limitant les émissions de gaz à effet de serre.
En l’absence de PAC globale, il n’existe pas de solution à l’échec du Premier pilier : le principe anglo-saxon de libre-échange global est incompatible avec celui du libre-échange européen compensé par la PAC européenne. Des prix plancher des produits agricoles, tels qu’annoncés par divers exécutifs nationaux, ne sauveront pas les paysans, mais au contraire les tueront dans la mesure où l’on continuera à accepter des produits importés à des prix bien plus bas.
Quant au Second pilier, il ne poursuit plus d’objectif politique, mais idéologique. En effet, l’affirmation selon laquelle le réchauffement de la planète n’est pas local, mais global, est contredit par les relevés de température. Tandis que l’affirmation selon laquelle il ne provient pas de facteurs astronomiques, mais de l’activité humaine, ne résiste pas au débat scientifique.
Rappelons que le Groupe inter-gouvernemental d’étude sur l’évolution du climat (GIEC) n’est pas une académie scientifique, mais une réunion de hauts-fonctionnaires (dont certains sont des scientifiques, mais qui siègent toujours en tant que hauts-fonctionnaires) constituée, en 1988, à l’initiative de Margaret Thatcher pour justifier le passage du charbon au pétrole, puis au nucléaire [1]. Ses conclusions, si elles ont été approuvées par les gouvernements qui peuvent passer au nucléaire, ont été violemment rejetées par des cénacles scientifiques dont la prestigieuse Académie des sciences de Russie [2]. Le prétendu « consensus scientifique » en la matière n’existe pas plus que la fameuse « communauté internationale » qui « sanctionne » la Russie. Au demeurant, la science ne fonctionne pas par consensus, mais par essai-erreur.
Les tentatives de développer un tourisme vert dans les zones rurales ne sauvera pas les paysans. Tout au plus leur permettra-t-il de louer des chambres dans leurs fermes quelques semaines par an. Le problème n’est pas de changer d’activité, mais de permettre aux paysans de vivre et de nourrir leur population.
Les paysans d’Europe occidentale et centrale sont aujourd’hui dépendants des subventions européennes. Ils ne s’opposent pas à l’Union européenne qui leur permet de survivre, mais dénoncent ses contradictions qui les étouffent. La question n’est donc pas d’abroger tel ou tel règlement, mais de dire quelle forme d’Union européenne nous souhaitons construire.
Les prochaines élections de l’Union européenne se tiendront en juin. Il s’agira d’élire les députés du Parlement européen, les seuls élus de l’Union. En effet, le Conseil n’est pas élu au plan de l’Union, mais est composé de chefs d’État et de gouvernement élus au plan national, quant à la Commission, elle n’est pas élue du tout et représente les intérêts des parrains de l’Union.
Les différents projets de construction européenne
Pour comprendre cet étrange système, et éventuellement le modifier, revenons sur son origine : de l’entre-deux-guerres (1918-1939) à l’immédiat après-guerre (1945-57), il y a eu six projets concurrents d’union.
1- Le premier était porté par les Républicains radicaux. Il visait à unir des États administrés par des régimes comparables. On parlait alors d’unir des pays d’Europe et d’Amérique latine gouvernés en République.
La définition des Républiques et des Monarchies n’avait aucun rapport avec les élections et les successions dynastiques. Ainsi, le roi de France Henri IV se décrivait comme « républicain » (1589-1610), dans la mesure où il se dévouait au Bien commun de ses sujets et non pas aux intérêts de sa noblesse. Notre lecture des Républiques et des Monarchie date des Démocraties (le gouvernement du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple). Elle se focalise sur les règles de désignation des dirigeants et non plus sur ce qu’ils font. Ainsi, nous considérons le Royaume-Uni contemporain comme plus démocratique que la France et ne tenons pas compte des invraisemblables privilèges dont jouit la noblesse britannique au détriment de son peuple.
L’Argentine d’Hipólito Yrigoyen (qui était alors la principale puissance économique des Amériques) aurait côtoyé au sein de cette union la France d’Aristide Briand (dont l’Empire s’étendait sur tous les continents). Le fait que ces Républiques ne soit pas nécessairement contigües ne choquait personne. Au contraire, cela garantissait que l’union ne se transformerait jamais en une structure supra-nationale, mais resterait un organe de coopération inter-étatiques.
Ce projet sombra avec la crise économique de 1929 et la montée du fascisme qu’elle provoqua.
2- Le deuxième était celui d’une union qui garantirait la paix. Le ministre des Finances français, Louis Loucheur, assurait que si l’Allemagne et la France s’unissaient dans un seul complexe militaro-industriel, ils ne pourraient plus se faire la guerre. [3].
Il fut réalisé lorsque, après la Seconde Guerre mondiale, les Anglo-Saxons décidèrent de réarmer l’Allemagne. En 1951, l’ancien ministre pétainiste Robert Schuman créa la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).
La CECA a pris fin en 2002 et a été intégrée par le Traité de Nice à l’Union européenne.
3- Le troisième emprunte aux deux précédents. Il a été rédigé par le comte autro-hongrois Richard de Coudenhove-Kalergi. Il vise à unir tous les États du continent (sauf le Royaume-Uni et l’URSS) au sein d’une « PanEuropa ». Dans un premier temps, il se serait agi d’une fédération comparable à la Suisse, mais à terme ce serait devenu une entité supra-nationale sur le modèle des États-Unis et de l’URSS stalinienne (qui défendait les cultures des minorités ethniques) [4].
Ce projet a été plus ou moins réalisé avec le soutien des États-Unis. C’est, en 1949, la création du Conseil de l’Europe. J’écris « plus ou moins » parce que le Royaume-Uni en est un membre fondateur, ce qui n’était pas initialement prévu. Ce Conseil a élaboré une Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CSDHLF). Il s’est doté d’une Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) chargée de veiller à son application.
Cependant, à partir de 2009, de nombreux magistrats de cette Cour ont été sponsorisés, pour ne pas dire corrompus, par le milliardaire états-unien George Soros. Progressivement, ils ont interprété la Convention de manière à modifier la hiérarchie des normes. Par exemple, aujourd’hui, ils considèrent que les Traités internationaux sur le sauvetage en mer (qui prévoient
de débarquer les naufragés dans le port le plus proche) doivent s’effacer devant le droit des migrants à introduire des demandes d’asile politique en Europe.
Aujourd’hui, cette Cour juge en son absence et condamne systématiquement la Fédération de Russie, alors que celle-ci a été suspendue du Conseil de l’Europe, puis l’a quitté.
4- Le quatrième projet, le « Nouvel Ordre Européen », était celui du III° Reich à partir de 1941. Il s’agissait d’unir le continent européen en répartissant sa population, par région, selon des critères linguistiques. Chaque langue régionale, comme le Breton, aurait eu son État. L’État de loin le plus important aurait été celui où l’on parle allemand (Allemagne, Autriche, Liechtenstein, Luxembourg, Suisse alémanique, Tyrol italien, Sudètes tchécoslovaques, Carpates slovaques, Banat roumaine, etc.). En outre, des critères raciaux aurait déterminé les populations qui auraient été« réduites » (Juifs, Tsiganes et Slaves) et mises en esclavage.
Ce projet a été négocié entre le chancelier Adolf Hitler et le duce Benito Mussolini par l’entremise du juriste allemand Walter Hallstein. Il a été partiellement réalisé durant la Seconde Guerre mondiale, mais s’est effondré avec la chute du III° Reich.
5- Le cinquième projet fut formulé, en 1946, par l’ancien Premier ministre britannique, Winston Churchill [5]. Son objectif était de réconcilier le couple franco-allemand et d’écarter les Soviétiques. Il s’inscrit dans la vision de la Charte de l’Atlantique (1942) pour qui le monde d’après-guerre devait être gouverné conjointement par les États-Unis et l’Empire britannique. Plus encore, il participe de sa vision du rôle du Royaume-Uni appuyé sur le Commonwealth. Du côté atlantique, il développe une relation privilégiée avec les États-Unis et, du côté continental, il supervise l’Europe dont il ne se considèrent pas comme membre.
Winston Churchill a lancé simultanément plusieurs institutions. En définitive, c’est ce projet qui a été réalisé d’abord, en 1957, sous le nom de Communauté économique européenne (CEE) puis, en 1993, sous celui d’Union européenne (UE). Il emprunte des éléments à trois des projets précédents, mais jamais à celui de l’union des Républiques.
Les Anglo-Saxons ont toujours contrôlé la CEE-UE via la Commission européenne. C’est la raison pour laquelle elle n’est pas élue, mais nommée. D’ailleurs, Londres en a fait nommer comme premier président Walter Hallstein, l’ancien conseiller du chancelier Adolf Hitler pour les questions européennes. Par ailleurs, la Commission disposait initialement du pouvoir législatif qu’elle partage aujourd’hui avec le Parlement européen. Elle l’utilise pour proposer des normes que le Parlement valide ou rejette. Toutes ces normes reprennent mot à mot celles de l’Otan qui, contrairement à une idée répandue, ne se préoccupe pas seulement de Défense, mais de l’organisation des sociétés. Les bureaux de l’Otan, initialement situés au Luxembourg et aujourd’hui à côté de la Commission à Bruxelles, lui transmettent ses dossiers, depuis la largeur des routes (pour laisser passer les blindés) jusqu’à la composition du chocolat (pour composer la ration du soldat).
6- Le sixième projet a été développé par le président français Charles De Gaulle en réponse à celui des Britanniques. Il entendait construire une institution non pas fédérale, mais confédérale : l’« Europe des Nations ». Il déplora le Traité de Rome, mais l’accepta. Il interdit en 1963 et en 1967 au Royaume-Uni d’y adhérer. Il précisa que si élargissement devait y avoir, ce serait de Brest à Vladivostok, c’est-à-dire sans le Royaume-Uni, mais avec l’Union soviétique. Surtout, il se battit bec et ongles pour que les questions influant sur la Sécurité nationale ne puissent être prises qu’à l’unanimité.
Sa vision disparut avec lui. Les Britanniques sont entrés dans la CEE en 1973 pour en sortir en 2020. Il n’a jamais été proposé à la Russie d’y entrer et aujourd’hui, l’UE accumule les « sanctions » à son égard. Enfin, la prochaine réforme des Traités prévoit une majorité qualifiée pour les questions influant sur la Sécurité nationale.
Nous sommes ici dans une ferme qui s’est démultipliée », lance Anne Déplaude, vigneronne à Tartaras, dans la Loire, devant des étudiants médusés [1]. « Il y a vingt ans, cette ferme était en lait et comptait deux associés sur 70 hectares. Aujourd’hui, sur une surface équivalente, on a désormais quatre fermes et huit personnes qui travaillent. »
Comment ont-ils réussi ce pari ? L’histoire commence en 2001. Anne arrive sur la ferme de son compagnon, Pierre-André. Il élève alors une quarantaine de vaches laitières en Gaec avec son cousin [2], et livre son lait à une laiterie détenue par Danone. « Ce qui a motivé la reconversion, c’est qu’on vendait le lait à la laiterie et que c’était elle qui fixait le prix. Notre envie, c’était de maîtriser le produit et d’aller jusqu’au produit fini », souligne Anne. Le projet mûrit tranquillement et tend vers la viticulture. À partir de 2003, de nouvelles vignes sont progressivement plantées. « Le vin permet d’optimiser la valeur ajoutée à l’hectare. On a pu faire ce changement car on avait fini d’amortir l’outil : on n’était plus pieds et poings liés avec les banques. »
Autonomie, un maître mot
« Cette autonomie financière a permis de préserver notre autonomie décisionnelle » poursuit Anne. Avec Pierre-André, ils font le choix d’un certain type de viticulture : ils décident de limiter la surface de plantations à 8 hectares, afin d’être sur une approche très qualitative avec d’anciens cépages locaux. « On a aussi fait le choix d’investissements progressifs et calibrés », poursuit la vigneronne. Ils construisent ainsi un bâtiment dédié à la vinification dix ans après la plantation des vignes.
L’autonomie, maître mot dans leur parcours, est aussi technique. « On s’est beaucoup formés, on s’est aussi équipés, mais on n’a jamais été dépendants d’un conseil extérieur. » Pierre-André précise : « Dans beaucoup de fermes, c’est le vendeur de phytos [pesticides de synthèse, ndlr] qui fait le calendrier de traitements ».
« Plutôt que de tout mécaniser, on a aussi fait le choix d’employer du monde » complète Anne. Deux salariés et demi travaillent aujourd’hui avec le couple. Ils vendent entre 30 000 et 35 000 bouteilles par an, dont la moitié en vente directe. « Notre reconversion a permis de libérer du foncier qu’on a décidé de partager pour favoriser la ’’multiplication de paysan·nes’’. » C’est là que Philippe Chorier, éleveur, entre en scène.
Mutualiser pour éviter l’endettement
« En 2007, j’avais un projet de porc plein air, avec un fort souci d’autonomie », confie Philippe. Sidéré par le coût de mécanisation qu’il a pu constater dans diverses exploitations agricoles, il envisage une structure à petite échelle dans laquelle il pourra minimiser au maximum ses investissements. Il contacte les Déplaude via l’Association départementale pour le développement de l’emploi agricole et rural (Adear). « Trente hectares se libéraient dont les Déplaude n’étaient pas forcément propriétaires. Pierre-André m’a accompagné pour se porter garant et j’ai pu récupérer 17 hectares », raconte Philippe.
L’essentiel du matériel que Philippe utilise est en Cuma (coopérative d’utilisation de matériel agricole). « J’ai toujours eu des tracteurs collectifs. Pour 3000 euros de parts sociales à la Cuma, on peut avoir du matériel disponible et ça me convient très bien. » Le souci de la mutualisation pour être autonome le conduit à s’investir dans la création d’une boucherie en SARL, ainsi que dans un atelier de découpe collectif. « On partage l’outil. Ça permet de mutualiser et d’amortir les coûts sur 10 personnes. Quand on fait face à des factures d’électricité qui grimpent de 600 à 1000 euros, on répartit mieux à plusieurs. »
Au terme de quinze ans d’installation, il se réjouit : « je suis 100 % autonome sur les aliments, et en temps de travail. Mon bâtiment est payé, j’ai moins de pression. » Il y a quelques mois, Philippe a cédé à son tour 2,5 hectares à un jeune, ancien salarié des Déplaude, pour lui permettre de s’installer en viticulture. « Je suis heureux d’avoir contribué à ce qu’il puisse planter des vignes et se lancer. »
Marseille (Bouches-du-Rhône), reportage
Une vache qui mène au pas une file d’une cinquantaine de tracteurs et quelques centaines d’agriculteurs dans les rues de Marseille. La scène a de quoi amuser les badauds, dont beaucoup sortent leurs téléphones pour filmer. Derrière Iris — la ruminante — ils ont convergé de plusieurs départements, à l’appel de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles (FRSEA) et des Jeunes agriculteurs (JA).
« Notre objectif est simple. Nous avions promis il y a 15 jours que si le Premier ministre ne tenait pas parole, nous reviendrons manifester », exposait Laurent Depieds, le président de la FRSEA de Provence-Alpes-Côte d’Azur devant le Musée des civilisations européennes et méditerranéenne (Mucem) ce lundi 19 février avant le départ du cortège. « Premièrement, nous voulons des réponses sur le revenu des agriculteurs. Quand sur cent euros de produits vendus, seulement dix euros reviennent au producteur, c’est du mépris de classe », affirme le syndicaliste.
« Le deuxième sujet, c’est la souveraineté alimentaire. Il faut arrêter de laisser entrer des poulets qui viennent d’Ukraine ou du Brésil, le miel de Chine et les cerises de Turquie. Le troisième point, c’est l’oppression administrative. Les paysans en travaillant risquent plus que les délinquants », poursuit Laurent Depieds, cultivateur de plantes aromatiques en bio dans les Alpes-Haute-Provence. « On veut que le Premier ministre sache que quand il ira au salon de l’agriculture [qui s’ouvre le 24 février], ce ne sera pas pour faire des belles photos et alimenter son Facebook, ce sera pour venir avec des propositions concrètes », conclut l’homme au micro.
« Au salon de l’agriculture, ce ne sera pas pour faire des belles photos »
La manifestation doit s’élancer, mais une trentenaire en habit de travail demande la parole. Amandine, « vigneronne dans le Var » se dit « pas d’accord avec les mesures annoncées. Ça ne changera rien. Ce ne sont que des broutilles. À la FNSEA, au sommet, c’est corrompu, il y a des conflits d’intérêt. Il faut que l’on se fédère par la base pour sortir de l’Union européenne. Il nous faut un Frexit, c’est le seul moyen de sortir du cercle infernal de cette Europe pourrie », exhorte-t-elle. Quelques voix s’élèvent pour désapprouver. « J’ai jamais entendu de conneries pareilles », beugle un homme.
Installé sur 100 hectares en polyculture à Velaux (Bouches-du-Rhône), Lionel Giordano est venu avec son fils. Il n’a pas l’intention de voir ce dernier prendre la suite. « Non, c’est trop dur. Mon père, je ne le vois jamais », confirme Mathieu, 19 ans.
Lionel Giordano a arrêté de faire des volailles, « la semaine dernière ». Trop compliqué avec la grippe aviaire, alors que son exploitation est à proximité des couloirs de migrations de l’avifaune sauvage. Il poursuit ses cultures de fruits et légumes bios vendus en Amap et pour la restauration collective, commencées en 2008, après une première carrière d’ouvrier qualifié dans la pétrochimie à Berre.
Hahahahahaha. Tout ceci est toujours cousu de fil blanc avec les syndicats qui ne sont que les courroies de transmission des gouvernements successifs.
Ils organisent et canalisent juste le mécontentement social.
Ils sont les organisateurs des psychothérapies sociales collectives.
Avec le mouvement des agriculteurs nous atteignons des sommets et objectivement cela se voit.
La FNSEA ne voulait pas manifester. Dépassée par sa base, elle y est allée en mettant tous les freins nécessaires.
L’Etat, bon joueur, a laissé faire quelques bennages de purin et autres lisiers.
On a laissé tout le monde se défouler pendant une grosse semaine.
Puis… allez, zou, rentrez niche, coucouche panier.
Vous le ressentez sans doute tous.
Le problème, ou plus précisément le risque majeur, ce n’est pas juste la fronde ou la jacquerie agricole en cours aussi légitime soit-elle.
C’est la convergence des luttes et surtout des mécontentements.
La révolte des Gilets Jaunes n’a jamais trouvé de solution politique. Elle a été écrasé par la répression d’un Etat qui a instrumentalisé la police devenant milice dès qu’il y a confusion entre maintien de l’ordre et maintien au pouvoir. La police est au service de la population. Pas d’un gouvernement bien mal choisi par un président fort mal élu à la popularité douteuse depuis le départ.
Un climat révolutionnaire
Le gouvernement sait donc très bien qu’il marche sur des œufs.
De l’inflation quotidienne à la hausse injustifiée de l’électricité devenue un produit de première nécessité pour toutes les familles de ce pays, des difficultés d’emplois aux problèmes quotidiens, de l’effondrement du système de santé à notre école, et je n’ose même pas évoquer les problèmes de violences quotidiennes dans notre pays, la cote d’alerte a été dépassée il y a bien longtemps.
Notre pays est un volcan qui peut rentrer en éruption à la moindres étincelles.
Routiers comme chauffeurs de taxis sont déjà par endroits rentrés dans le mouvement.
Partout les blocages se multiplient.
Enfin, et c’est également très important à saisir pour anticiper la manière dont ce mouvement pourrait évoluer, il y a dans notre pays une immense démission.
Cette démission massive des gens est silencieuse.
J’ai évoqué rapidement ce que j’ai vu pendant l’épisode neigeux que nous venons de vivre.
5 centimètres de neige qui ne bloquaient pas les voitures sans chaînes des managers et autres entrepreneurs ou dirigeants, mais qui empêchaient toutes les voitures des salariés plus très engagés (et c’est un euphémisme) de rouler pendant deux jours.
J’ai vu des écoles désertées aussi bien par les profs que par les élèves.
J’ai vu des lycées et des collèges vides, y compris de ceux qui pouvaient venir à pieds.
J’ai vu la France rester au chaud et ne plus faire le moindre effort.
Lorsque je vous parle de cela je ne suis pas dans une forme de jugement.
Je constate et je pose un mot. La grande démission.
Je pose un autre mot.
L’effondrement de la croyance imaginaire dans la république.
C’est la fin de la fiction imaginaire.
Ce que nous vivons c’est la Russie de Gorbatchev. L’illusion de la force, alors que le colosse va s’effondrer.
Notre pays va s’effondrer car plus personne n’y croit.
Si le grogne est réprimée, alors la colère rentrée s’exprimera par encore plus de démission silencieuse et plus rien ne fonctionnera plus.
Macron est un imbécile et sa clique aussi.
On ne dirige pas un pays à coups de triques et de flash-ball.
On ne dirige pas un pays à coups de communication et de manipulations médiatiques.
On ne dirige pas un pays contre son peuple avec des auto-attestations et des passes sanitaires et autre QR codes .
Macron est un imbécile politique, car ce qu’il a fait peut donner l’illusion du maintien au pouvoir.
Mais Macron ne dirige plus rien en réalité.
Vous savez pourquoi ?
Parce que dans la vraie vie, sur le terrain, partout, ce pays est en grève.
En grève silencieuse.
En grève du zèle.
Mais en grève quand même.
Dans tous les cas Macron et sa clique ont déjà perdu, mais plus grave encore, la France a perdu, car la France a cessé de travailler, de rêver, d’avoir envie de construire un monde meilleur.
Si la France est en grève, la raison est simple à comprendre.
On ne gouverne pas contre la population mais avec elle.
Personne ne veut de la politique imposée par Macron, son europe, et ses copains de Davos.
Personne ne veut voir ses fils mourir pour Zelenski.
Je suis un homme simple.
Remplir les gamelles et assurer la paix.
Pour cela il nous faut notre souveraineté et un gouvernement qui protège notre population.
Notre population des villes, des banlieues et des campagnes.
Macron est un homme de Davos, en aucun cas un président des Français qu’il n’a jamais aimés, n’aimera jamais.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu.
Préparez-vous !
Charles SANNAT
Bien que le gouvernement ait partiellement reculé le jeudi 4 janvier sur la suppression des avantages fiscaux sur le gazole non routier (GNR), les agriculteurs allemands ne décolèrent pas. Des blocages routiers et autoroutiers se profilent alors que la fédération des transports appelle à suivre le mouvement.
Comme expliqué dans notre précédent article, la Cour constitutionnelle allemande a retoqué le budget 2024 présenté par Olaf Scholz en novembre. Forcé d’opérer des coupes budgétaires, le chancelier a opté pour la suppression d’allègements fiscaux sur le diesel agricole et sur l’impôt sur les tracteurs, ce qui a déclenché la colère des agriculteurs dès décembre.
Des concessions du gouvernement que les agriculteurs estiment insuffisantes
La coalition allemande actuellement au pouvoir (composée du Parti social-démocrate, du Parti libéral-démocrate et des Verts) a bien tenté de calmer le jeu. Le 4 janvier, le gouvernement a déclaré abandonner son projet d’introduction d’une taxe sur les véhicules agricoles et forestiers. Il a aussi proposé une suppression progressive des allégements fiscaux sur le diesel agricole, de 2024 à 2026, au lieu d’une suppression totale. Ces concessions n’ont pas convaincu la fédération des agriculteurs allemands (DBV), qui a réitéré ses appels à des manifestations sans précédent pour les deux semaines à venir. Rien qu'en Bavière, 180 actions ont été enregistrées. Elles débutent ce lundi 8 janvier.
Les revendications des syndicats sont claires. Ils comptent faire grève jusqu'à ce que le gouvernement renonce à leur imposer toute mesure d’austérité dans le budget annuel qui est en train d’être voté. La Commission budgétaire du Bundestag arrête le budget fédéral pour 2024 la troisième semaine de janvier. C’est pour cette raison que la plus grosse manifestation est annoncée un peu avant, pour le 15 janvier, à Berlin.
Cependant, la colère ne se cantonne déjà plus au monde agricole, et prend des allures de grève générale contre la politique budgétaire du gouvernement Scholz.
Un mouvement qui prend des allures de grève générale.