La correspondance entre JFK et Ben Gourion, qui révèle l’intensité des efforts de JFK pour entraver le programme nucléaire israélien, fut gardée secrète. Certaines parties furent déclassifiées en 1993, mais l’ensemble de la correspondance a mis plus de 50 ans à être déclassifié. Du point de vue américain, il n’y a rien dans cette correspondance qui justifie de la garder secrète pendant si longtemps. Le véritable bénéficiaire de cette classification prolongée a été Israël, car si ce contexte avait été connu au moment de l’assassinat de JFK, non seulement il y aurait eu une énorme pression publique pour arrêter le programme nucléaire israélien, mais le Mossad serait devenu l’une des organisations suspectes impliquées dans l’assassinat.
Lorsque JFK fut assassiné, le vice-président Lyndon B. Johnson (LBJ), dont le passé criminel était connu au Texas, est devenu président. Avec l’entrée en fonction de LBJ, la nature des relations entre Israël et les États-Unis a subi un changement rapide et spectaculaire en faveur d’Israël. JFK avait une politique équilibrée au Moyen-Orient. Lorsque JFK écrivit aux dirigeants arabes comme Nasser pour exprimer son soutien à la mise en œuvre de la résolution de l’ONU accordant aux Palestiniens le droit de retourner dans les territoires qui avaient été capturés de force par les juifs, Ben Gourion envoya une lettre aux dirigeants juifs aux États-Unis. Il écrivait : « Israël considérera ce plan comme un danger plus grave pour son existence que toutes les menaces des dictateurs et des rois arabes, que toutes les armées arabes, que tous les missiles de Nasser et ses MIG soviétiques… Israël luttera contre cette mise en œuvre jusqu’au dernier homme ». C’était une déclaration de guerre contre JFK.
JFK fut assassiné le 22 novembre 1963. Le 26 novembre, le directeur de l’AIPAC (Comité américain des affaires publiques israéliennes) envoya une note secrète à ses différentes branches, décrivant les « positions pro-israéliennes de premier plan » de Johnson sur un certain nombre de questions. En décembre 1996, l’auteur Daniel Neff écrivait dans le Washington Report on Middle East Affairs (WMREA) : « Jusqu’à la présidence de Johnson, aucune administration n’avait été aussi complètement pro-israélienne et anti-arabe que la sienne ». Neff souligne que bien que Truman ait reconnu Israël en raison du soutien juif à son élection, il « semblait se désintéresser de l’État juif ». De plus, « Dwight D. Eisenhower était plutôt froid envers Israël, qu’il considérait comme une source de perturbation majeure dans les relations de l’Amérique avec les Arabes et dans l’accès de l’Amérique au pétrole ». Bien que JFK ait été plus chaleureux envers Israël, « il valorisait la relation des États-Unis avec le monde arabe, en particulier avec l’Égyptien Gamal Abdel Nasser, et a par conséquent maintenu une politique assez impartiale, malgré la présence d’un certain nombre de responsables pro-israéliens dans son administration. »
Ces documents faisaient partie d’une vaste collection de documents classifiés mis en ligne par un militaire de l’armée de l’air aujourd’hui en garde à vue. Un haut fonctionnaire de l’administration Biden, à qui le Post a demandé de commenter les informations nouvellement révélées, a déclaré que Zelensky n’avait jamais violé son engagement de ne jamais utiliser d’armes américaines pour frapper à l’intérieur de la Russie. Pour la Maison Blanche, Zelensky ne peut pas se tromper.
Le désir de Zelensky de porter la guerre en Russie n’est peut-être pas clair pour le président et les principaux conseillers en politique étrangère de la Maison Blanche, mais il l’est pour les membres de la communauté américaine du renseignement qui ont eu du mal à faire entendre leurs renseignements et leurs évaluations dans le bureau ovale. Pendant ce temps, le massacre de la ville de Bakhmut se poursuit. Les hommes en charge de la guerre d’aujourd’hui – à Moscou, Kiev et Washington – n’ont montré aucun intérêt, même pour des pourparlers de cessez-le-feu temporaires qui pourraient servir de prélude à quelque chose de permanent. On ne parle plus que de la possibilité d’une offensive à la fin du printemps ou à l’été par l’une ou l’autre des parties.
Mais quelque chose d’autre se trame, comme certains membres de la communauté du renseignement américain le savent et l’ont rapporté en secret, à l’instigation de responsables gouvernementaux à différents niveaux en Pologne, en Hongrie, en Lituanie, en Estonie, en Tchécoslovaquie et en Lettonie. Ces pays sont tous des alliés de l’Ukraine et des ennemis déclarés de Vladimir Poutine.
Ce groupe est mené par la Pologne, dont les dirigeants ne craignent plus l’armée russe, car ses performances en Ukraine ont laissé en miettes l’éclat de son succès à Stalingrad pendant la Seconde Guerre mondiale. La Pologne a discrètement exhorté Zelensky à trouver un moyen de mettre fin à la guerre – même en démissionnant, si nécessaire – et à permettre au processus de reconstruction de sa nation de démarrer. Zelensky ne bouge pas, selon des interceptions et d’autres données connues de la Central Intelligence Agency, mais il commence à perdre le soutien privé de ses voisins.
Au sommaire du cent trente-quatrième bulletin :
02:40 – Économie :
• Record des exportations de pétrole russe
• Sanctions de l’UE contre l’Inde ?
• L’axe commercial Saint-Pétersbourg–Iran–Inde
• Binance sous pression et rouble numérique
10:15 – Diplomatie
• Rencontre Aliev–Pachinian à Moscou
• Laurent Gerra vs Bandera
• Pas de F16 pour Zelensky
• Conflit ukrainien gelé à la coréenne ?
• Erdoğan, le triomphe du Sultan
• Macron et la soumission
23:37 – Armements
• ORSIS T5000 fusil de tireur d’élite
• Démilitarisation du Storm Shadow
• Démilitarisation du missile Patriot
• Kiev vs bloggers
30:10 – Considérations militaires
• Prigojine bluffe-t-il ?
• Offensive ukrainienne ?
• Porté disparu : général Zaloujny
• Suprématie du renseignement russe
34:50 – Carte des opérations militaires
Durant la guerre occidentale contre le régime communiste afghan, il est devenu une base arrière des moujahidines et des combattants arabes de Ben Laden. Cependant, depuis une décennie, un champion de cricket pas comme les autres tente de le libérer, de faire la paix avec l’Inde et de créer des services sociaux : Imran Khan.
La population pakistanaise se lève contre son armée et contre son personnel politique. Partout, des manifestations se forment pour soutenir l’ancien Premier ministre, Imran Khan, tout juste libéré, mais faisant l’objet d’une centaine de procédures judiciaires.
Qui est Imran Khan ?
Imran Khan est issu d’une illustre famille pachtoune. Il descend par son père d’un général indien et gouverneur du Pendjab, et par sa mère d’un maître soufi inventeur de l’alphabet pachto. Il a suivi des études à Lahore, puis en Angleterre à Oxford. Il parle le saraiki, l’ourdou, le pachto et l’anglais. C’est est joueur de cricket, le sport le plus important au Pakistan. Il fut capitaine de l’équipe nationale en 1992 et parvint à lui faire gagner la coupe du monde. Durant les années 1992-96, il se consacre exclusivement à des activités philanthropiques, ouvrant avec l’argent de sa famille un hôpital pour cancéreux et une université. En 1996, il entre en politique et crée le Mouvement du Pakistan pour la justice (PTI). Il obtient un siège à l’Assemblée nationale, en 2018, mais est le seul élu de sa formation.
Imran Khan n’est pas un politicien comme les autres. Il se reconnaît dans la démarche de Mohamed Iqbal (1877-1938), le père spirituel du Pakistan. Il entendait rompre avec l’immobilisme religieux de l’islam et entreprendre un effort d’interprétation, mais il restait prisonnier d’une vision communautaire et juridique de l’islam. Imran Kahn ne trouve sa voie qu’en découvrant le philosophe et sociologue iranien Ali Shariati, ami de Jean-Paul Sartre et de Frantz Fanon. Inconnu en Occident, Shariati proposait à ses élèves d’évaluer les préceptes de l’islam en les appliquant et de ne conserver que ceux qu’ils trouvaient utiles. Lui-même s’est livré à une réinterprétation de l’islam qui a fasciné les jeunes iraniens. Il s’est élevé contre le régime du shah Reza Pahlevi et a apporté son soutien à l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, alors en exil et considéré comme hérétique par tous les religieux iraniens unanimes. Il a été assassiné par la police secrète du shah, la sawak, en Angleterre, en 1977, juste avant le retour de Khomeiny dans son pays. De sorte que c’est lui qui a suscité la révolution iranienne, mais qu’il ne l’a jamais connue.
Bien que les détails de ces opérations aient toujours été obscurs, un nouveau rapport publié jeudi par le Centre national chinois de réponse aux urgences en matière de virus informatiques et la société chinoise de cybersécurité 360 a dévoilé les principaux moyens techniques utilisés par la CIA pour organiser et promouvoir des troubles dans le monde entier.
Selon le rapport, depuis le début du XXIe siècle, le développement rapide de l’internet a offert de « nouvelles opportunités » aux activités d’infiltration de la CIA dans d’autres pays et régions. Toute institution ou tout individu, où qu’il se trouve dans le monde, qui utilise des équipements numériques ou des logiciels américains pourrait être transformé en « agent fantoche » de la CIA.
Depuis des décennies, la CIA a renversé ou tenté de renverser au moins 50 gouvernements légitimes à l’étranger (la CIA n’a reconnu que sept de ces cas), provoquant des troubles dans les pays concernés. Qu’il s’agisse de la « révolution des couleurs » en Ukraine en 2014, de la « révolution des tournesols » dans l’île de Taïwan en Chine, de la « révolution du safran » au Myanmar en 2007, de la « révolution verte » en Iran en 2009 ou d’autres tentatives de « révolutions des couleurs », les agences de renseignement américaines sont derrière tout cela, d’après le rapport.
La position dominante des États-Unis dans les technologies de télécommunication et de commandement sur place a offert à la communauté du renseignement américain des possibilités sans précédent de lancer des « révolutions de couleur » à l’étranger. Le rapport publié par le National Computer Virus Emergency Response Center et 360 révèle cinq méthodes couramment utilisées par la CIA.
La première consiste à fournir des services de communication en réseau cryptés. Afin d’aider les manifestants de certains pays du Moyen-Orient à rester en contact et à éviter d’être suivis et arrêtés, une société américaine, qui aurait des antécédents militaires aux États-Unis, a mis au point la technologie TOR, qui permet d’accéder furtivement à l’internet – la technologie Onion Router.
Les serveurs cryptent toutes les informations qui y transitent afin d’aider certains utilisateurs à naviguer sur le web de manière anonyme. Après le lancement du projet par des entreprises américaines, il a immédiatement été fourni gratuitement à des éléments antigouvernementaux en Iran, en Tunisie, en Égypte et dans d’autres pays et régions, afin que ces « jeunes dissidents qui veulent ébranler le pouvoir de leur propre gouvernement » puissent échapper à la surveillance de ce dernier, selon le rapport.
La deuxième méthode consiste à fournir des services de communication hors ligne. Par exemple, afin de s’assurer que le personnel antigouvernemental en Tunisie, en Égypte et dans d’autres pays puisse rester en contact avec le monde extérieur lorsque l’internet est déconnecté, Google et Twitter ont rapidement lancé un service spécial appelé « Speak2Tweet », qui permet aux utilisateurs de composer et d’envoyer gratuitement des notes vocales.
Ces messages sont automatiquement convertis en tweets, puis téléchargés sur l’internet et diffusés publiquement via Twitter et d’autres plateformes afin de compléter le « compte rendu en temps réel » de l’événement sur place, selon le rapport.
L’empire états-uniens et ses vassaux ne sauraient tolérer de rival et font tout pour supprimer toute puissance régionale ou mondiale qui pourrait leur empêcher d’organiser et d’exploiter le monde selon leurs désirs. Ce sont les mêmes qui ont organisé la dissolution de l’URSS, celle de la Yougoslavie socialiste puis de la Serbie, dont on a séparé le Kosovo. Ce sont les mêmes qui encouragent le sécessionniste islamiste ouighour au Xinjiang, le sécessionnisme tibétain et qui ont détruit l’Irak, la Libye et un certain nombre de pays africains, et tenté de faire de même avec la Syrie.
Selon leurs intérêts et les situations, ces pays, agences et organisations internationales appellent soit « au respect des droits de l’homme », au « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », soit à l’intangibilité des frontières et au respect de la souveraineté. Ainsi, pour eux, les frontières de l’Ukraine sont intangibles et l’Ukraine est « souveraine » mais la Russie, la Syrie et tant d’autres pays peuvent être charcutés à souhait. Ils font signer (et trouvent toutes sortes d’idiots utiles pour le faire) pour les Ouighours, mais ont oublié l’existence même du droit international pour Porto Rico, les Comores, et un grand nombre d’autres pays.
Le Forum des nations libres de l’après-Russie, un cadre de dialogue qui rassemble les revendications indépendantistes des minorités ethniques russes et les réalités régionales (et leurs sympathisants euro-atlantiques – Américains, Polonais et Baltes), s’est réuni le 31 janvier 2023 au Parlement européen pour sa cinquième réunion. Le groupe a présenté à Bruxelles son projet de « décolonisation et de reconstruction » de la Fédération de Russie, parrainé par la composante polonaise du Parti des conservateurs et réformistes européens.
« Comme dans le cas du Troisième Reich allemand, la Fédération de Russie, en tant que menace existentielle pour l’humanité et l’ordre international, devrait subir des changements drastiques. Il est naïf de penser que la Russie, après avoir été définitivement vaincue, restera dans le même cadre constitutionnel et territorial. La communauté internationale ne peut pas adopter une position confortable en attendant les développements, mais doit entreprendre une […] re-fédéralisation de l’État russe, en tenant compte de l’histoire de son impérialisme et en respectant les droits et les désirs des nations qui le composent. »
Au programme de ce numéro 133 :
Conseil de lectures
Economie
Monnaie commune pour les BRICS
Records des exportations russes de pétrole
Mélonie et les routes de la soie
Diplomatie
Orban protège les Hongrois d’Ukraine
Succès diplomatique russe le 9 mai à Moscou
Le général De Gaulle à Volgograd
Bachar El Assad Victoris
Rapprochement indo-pakistanais
Armements
Boomerang sur la place
Ukrainerie : Kinjal imaginaire
HIMARS hors service
STORM SHADOW, la nouvelle arme magique
Pas de GRIPEN pour Kiev
Pas d’argent pour l’armée française
€1,7 de munitions pour Kiev et pas de route pour l’Europe
Ukro-terrorisme
Budanov veut tuer des Russes
Podoliak menace l’Europe d’une vague de terrorisme bandériste
Wagner groupe terroriste ?
Considérations militaires
Le cas Prigojine
Quelle offensive pour Kiev et l’OTAN ?
00:00 Géopolitique profonde
03:50 Economie :
- Explosion de la dette française
- Dédollarisation (suite)
- Yuan pour tous
- Reconstruction d’Artémiovsk
09:44 Terra Bellum vs économie russe
21:30 Poutine libère les entrepreneurs
23:23 Bases US en Finlande
25:18 Fillon anti-système
27:47 Considérations militaires :
- Attentat sur le Kremlin
- Gamelins de la semaine (double dose) !
36:43 Le milliard pour les munitions
38:45 Carte des opérations militaires
Entretien.
Les canalisations sont attaquées à la disqueuse, la CGT Énergie coupe le jus à des élus soutenant la réforme des retraites, des antennes 5G crament un peu partout, 200 activistes équipés de pinces-monseigneur font le ménage dans une cimenterie Lafarge et des mégabassines sont lacérées à coups de cutter. Autant d’actions constituant de bonnes raisons d’aborder l’histoire du sabotage avec Victor Cachard, auteur de plusieurs ouvrages récents sur le sujet. Un entretien mené en terrasse d’un café lyonnais au nom bien à propos : le Court-circuit.
CQFD : Dans les cortèges contre la réforme des retraites, la foule scande souvent le triptyque « Grève, blocage, sabotage ». Longtemps mise de côté, la pratique du sabotage comme outil de lutte retrouve-t-elle du souffle ?
Couverture du tome 1 du livre Histoire du sabotage
Victor Cachard, Histoire du sabotage : tome 1 « Des traîne-savate aux briseurs de machines, Éditions Libre, 2022 ; tome 2 « Neutraliser le système techno-industriel », même éditeur, à paraître.
Oui, et c’est tant mieux, mais le terme de sabotage fait encore peur. Il a pris une connotation guerrière avec la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans la mémoire collective, il est associé au dynamitage des voies de chemin de fer, ou à l’idée d’attaque discrète, de coup dans le dos, un peu lâche…
Pourtant, le sabotage occupe une place importante dans l’histoire des luttes et il a été massivement utilisé par les travailleurs dès la fin du 19e siècle. On le sait peu, mais à la fin de son troisième congrès en 1897, la CGT l’a adopté officiellement comme tactique syndicale sous l’impulsion des anarchistes. Ce mode d’action, tout comme la grève générale, est aux fondements de la lutte syndicale !
Émile Pouget, révolutionnaire dont vous avez publié une anthologie [1], dit que le sabotage est vieux comme l’exploitation des travailleurs…
Il a été pratiqué bien avant d’être théorisé comme tactique de lutte. De tout temps, les exploités ont pu, de façon isolée, ralentir la cadence face à des exigences insupportables, ou produire volontairement et discrètement un mauvais travail. Contrairement à ce que l’on croit, le sabotage ne renvoie pas à la chaussure en bois (sabot) qui serait jetée dans la machine. C’est le nom donné au 13e siècle à une petite toupie en bois qui, quand elle tourne, donne l’impression d’être immobile. Comme le travailleur qui fait semblant de faire du bon ouvrage. « À mauvaise paie, mauvais travail », disaient les Anglais. Le sabotage est d’abord une attitude défensive, directement liée au travail. C’est finalement sous l’impulsion des syndicalistes révolutionnaires français que le terme gagne son caractère offensif.
Totalement absente des médias français, éclipsée par l'actualité d'une métropole en ébullition face aux coups de matraques d'un pouvoir contre son peuple, reléguée derrière une propagande d'une échelle inédite jusqu'alors visant à maintenir l'illusion d'une victoire à venir de l'Ukraine et de l'OTAN, la révolution diplomatique conduite par la Chine au Moyen-Orient marque l'aurore d'une nouvelle ère qui verra probablement le refoulement de l'influence nuisible de Washington hors d'une région et loin des peuples dont le martyre infligé par l'occident colonial depuis trois-quarts de siècle a suffisamment duré.
Si ce terme renvoie à la Pax Romana et à la Pax Americana, toute ressemblance s’arrête là, ces deux derniers termes impliquant des contextes radicalement différents de la situation chinoise : des empires étendus bien au-delà de leurs frontières directes et l’imposition de la paix par la soldatesque. Dans l’histoire de la Chine, les dynasties Han, Tang et Ming sont des empires qui sont globalement limités à l’intérieur des frontières actuelles du territoire chinois. Elles représentent des ères historiques et des aires géographiques de développement humain sans précédent, que ce soit en terme de progrès techniques, d’échanges commerciaux et culturels et d’explorations maritimes.
En 1949, au sortir de la guerre et de l’occupation japonaise, d’un siècle et demie de conflits internes, de pillages coloniaux et de déclin politique qui l’auront maintenu hors de portée de la révolution industrielle, la Chine est parmi les pays les plus pauvres du monde. En soixante-quinze ans, elle se hissera pourtant au rang des trois premières puissances mondiales tout en demeurant jusque là, aussi insolite que ce soit pour des observateurs habitués à une arrogance toute occidentale, dans une relative discrétion sur le plan diplomatique, peut-être par l’entremise d’un cocktail d’humilité et de patience. De cette patience nécessaire face à un fauve mourant, toujours capable de coups mortels dans son agonie.
C’est le 7 septembre 2013 que pour la première fois, Xi Jinping fait mention de ce projet, baptisé 一带一路 (yī dài yī lù, une ceinture, une route en français), renommé plus tard Belt And Road Initiative (BRI) ou la Nouvelle Route de la Soie, en référence à l’ancienne route commerciale sous la dynastie Han. Lors de ce discours prononcé à l’université Nazarbaïev d’Astana au Kazakhstan, Xi en trace les contours et surtout énumère ses principes : « partager la paix et le développement tant qu’ils persistent dans l’unité et la confiance mutuelle, l’égalité et les avantages mutuels, la tolérance et l’apprentissage les uns des autres, ainsi que la coopération et les résultats gagnant-gagnant », « faire avancer le développement et la prospérité communs, et travailler pour le bonheur et le bien-être des peuples des pays de la région ». La BRI vise à mettre toute l’Eurasie, mais aussi l’Afrique, le Moyen-Orient et le sud-est asiatique à portée de la Chine et vice-versa, par voie ferrée et maritime. Près de mille milliards de dollars ont été investis par la Chine le long des Nouvelles routes de la soie à des fins de modernisation des infrastructures dans le cadre de la stratégie gagnant-gagnant qui a fait la marque de fabrique d’une diplomatie chinoise du progrès et du développement, notamment sur le continent africain. Non seulement, on ne compte plus la myriade de projets coopératifs entre la Chine et ses partenaires mis en place depuis le démarrage de ce chantier pharaonique, mais il a également favorisé la coopération entre nations voisines, faisant ainsi pendant à la conflictualité, à l’accaparement et à l’esprit de division propre à l’impérialisme américano-occidental dominant le monde depuis l’après-guerre.
UE et EU : les deux faces d’une même pièce
S’excluant de facto de ce projet, les États-Unis le perçoivent comme une volonté hégémonique chinoise (l’hôpital et la charité) et chez leurs alliés ouest-européens, on le considère soit avec indifférence soit avec une circonspection teintée de la crainte de déplaire à la Maison Blanche, à l’instar de la France ou plus récemment de l’Italie qui s’est fait taper sur les doigts après avoir montré un enthousiasme trop poussé pour la BRI et qui depuis l’élection de Meloni envisage son retrait, malgré des accords signés.
Dissimulant mal les caprices infantiles d’une institution plus zélée à se soumettre aux desiderata de Washington qu’à agir dans l’intérêt de ses peuples, l’UE crée un contre-projet et l’illusion qu’elle maîtrise encore quelque chose. En réalité, elle a un mal fou à ne pas sombrer : la déstabilisation de l’Europe centrale et la rupture de ses liens commerciaux avec la Russie orchestrés outre-Atlantique sont autant de manoeuvres qui cherchent à l’affaiblir tout en mettant des obstacles le long de la BRI.
Des obstacles que la Chine, patiemment, écarte du passage.
La Russie et la Chine disposent d’armements bien supérieurs à ceux des Occidentaux. La première a gagné la guerre en Syrie et s’apprête à vaincre en Ukraine. Malgré tous ses efforts, l’Otan, qui a déjà échoué au Moyen-Orient par jihadistes interposés, ne parvient pas à renverser la réalité sur le champ de bataille.
La manière de penser des anciennes puissances coloniales les poussent à imaginer que la Russie et la Chine vont utiliser leur supériorité militaire pour imposer leur mode de vie au reste du monde. Or, ce n’est pas du tout leur intention et ce n’est pas ce qu’elles font.
Moscou et Beijing ne cessent de réclamer l’application du Droit international. Rien de plus. Les Russes aspirent à être tranquilles chez eux, tandis que les Chinois espèrent pouvoir commercer partout.
Les évènements en Ukraine nous ont fait oublier les demandes maintes fois réitérées depuis 2007 de la Russie : elle exige des garanties de sécurité qui lui sont propres, notamment l’absence d’arsenaux appartenant à des pays tiers stockés chez ses voisins. La Russie n’a pas les moyens de défendre ses frontières, les plus grandes du monde. Elle ne peut donc assurer sa sécurité si des armées ennemies se massent sur plusieurs fronts à ses frontières, sauf à pratiquer la « stratégie de la terre brulée » du maréchal Fédor Rostopchine. C’est le sens de toutes les négociations pour la réunification de l’Allemagne. L’URSS y était opposée, sauf à ce que la Nouvelle Allemagne s’engage à ne pas entreposer d’armes de l’Otan à l’Est. C’est le sens de toutes les négociations avec les anciens États du Pacte de Varsovie. Et ce fut encore le sens des négociations avec tous les États de l’ex-URSS. Jamais Moscou ne s’est opposé à ce qu’un État choisisse ses alliés et, éventuellement, adhère à l’Otan. Toujours, il s’y est opposé si l’adhésion à l’Otan impliquait l’installation de stocks d’armement de l’Otan sur son territoire.
Moscou ne s’est montré satisfait qu’en 1999, lorsque 30 États membres de l’OSCE ont signé la Déclaration d’Istanbul, dite « Charte de la Sécurité en Europe », qui pose deux principes majeurs :
le droit de chaque État de choisir les alliés de son choix et
le devoir de chaque État de ne pas menacer la sécurité des autres en assurant la sienne.
C’est la violation de ces principes, et elle seule, qui a conduit au conflit ukrainien. C’était le sens du discours du président Vladimir Poutine à la Conférence sur la sécurité de Munich, en 2007 : il y a dénoncé le non-respect des engagements de l’OSCE et l’établissement d’une gouvernance « monopolaire » du monde.
On parle en revanche assez peu des préfets qui détiennent pourtant une autorité immense et qui n’ont, de plus, aucune légitimité populaire.
De nombreux manifestants ont pu constater la grande capacité de nuisance des préfets pour bloquer des mouvements de protestations à l’échelle locale. Mais ce fut aussi le cas lors de la crise sanitaire où des décisions parfois ubuesques étaient prises par les préfectures sans aucune concertation avec les populations.
À l’origine, les préfets sont mis en place par Napoléon Bonaparte en 1800. À l’époque, il s’agit de rompre avec la République révolutionnaire, qui ne reconnaissait que le peuple comme souverain, et renouer avec la politique centralisée de la monarchie. En maillant le territoire de fonctionnaires aux ordres, l’empereur peut ainsi plus facilement lever les impôts et mater les révoltes au niveau local.
Le système est même bien plus avantageux que sous l’ancien régime, puisque le chef de l’État n’est plus encombré par les multitudes de nobles et de bourgeois qui empiétaient sur le pouvoir du roi, mais il a en plus la main sur l’intégralité du pays grâce aux fidèles préfets.
Le système arrange tellement les régimes successifs qu’il ne sera pas remis en cause avant près de deux cents ans. Le XIXe siècle connaîtra pourtant bon nombre de bouleversement politique : restauration, révolution, empire, république… Aucun ne supprimera la fonction de préfet. Et même s’ils perdent un peu de leur pouvoir avec la chute de Napoléon III, il faudra attendre le quinquennat de François Mitterrand et 1982 pour voir une véritable décentralisation.