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L’esprit humain, prochain champ de bataille des armées du futur  ?

GéopolintelL’esprit humain, prochain champ de bataille des armées du futur  ?

Géopolintel - 27 juin 2024

Un Bordelais y réfléchit pour l’Otan

   

La captologie est une méthode qui consiste à déclencher un comportement devant un écran, et de vous amener à le répéter. C’est une hypnose appelée design du comportement. L’OTAN s’en sert pour militariser les réseau sociaux qui posent un gros problème de réinformation en cas de conflit ou de troubles organisés par des structures étatiques à des fins de déstabilisation sur le comportement des civils.

La captologie est une science de manipulation de l’esprit qui appartient à la mouvance du MK Ultra qui cible ceux qui sont convaincus et qui ne savent pas comment passer à l’action, il faut les aider à choisir l’action que vous avez décidé et qu’ils suivront.
Les campagnes électorales utilisent cette méthode comme l’antisémitisme, sujet principal des législatives de 2024, qui polarise le RN et le Front Populaire.

Le Bordelais Hervé Le Guyader écrit des « fictions utiles » qui dessinent, sur la base des technologies de rupture déjà en gestation, à quoi ressemblera la « guerre cognitique ». De la SF ? Si seulement…
Après la terre, la mer, l’air, l’espace et le cyber, l’esprit humain est-il en passe de devenir le sixième « domaine d’opérations » des armées du futur ? C’est en tout cas le travail prospectif qui occupe Hervé Le Guyader, sur une sollicitation du « commandement suprême allié transformation » de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan).

Ce Bordelais représente la France au sein de l’Organisation pour la science et la technologie de l’alliance. Celle-ci est par ailleurs en relation avec l’École nationale supérieure de cognitique (ENSC) de Talence (33), à laquelle l’ingénieur en électronique de 69 ans est rattaché. La cognitique rassemble toutes les disciplines, sciences dures comme sciences humaines, qui décrivent le comportement humain, la façon dont nos cerveaux reçoivent et traitent les informations, et comment, nous agissons en conséquence. Y compris via nos interactions avec les machines (HAT, pour Human Autonomy Teaming) – dont les machines de guerre : l’ENSC travaille avec des partenaires comme l’armée de l’Air et de l’Espace.

À l’Otan, Hervé Le Guyader a tenu en substance ce discours : « La raison pour laquelle vous gagnez les batailles, mais perdez toutes les guerres depuis des décennies, c’est le facteur humain. Il y a un angle mort terrible. » D’autres ont pourtant bien pris en compte ce facteur pour arriver à leurs fins : à Stanford (Californie), le Human Behaviour Lab du Dr Fogg « a réuni des sachants en sciences cognitiques et en ordinateurs pour optimiser la capture des esprits », rappelle Hervé Le Guyader. Si vous restez bloqué une heure à faire défiler des vidéos sur votre smartphone, dites-leur merci. On appelle ça « captologie », voire « darks patterns ». Ou comment designer des applications destinées à faire perdre aux utilisateurs le contrôle de leur attention.

Pluridisciplinarité

D’autres encore, l’ont compris, mais pas à des fins de marketing ou de profit : officines qui ciblent des électeurs indécis sur les réseaux sociaux pour faire basculer un scrutin (Cambridge Analytica lors du Brexit…), fermes de trolls qui font buzzer les sujets qui divisent les sociétés occidentales, « cheapfakes » anti-français en Afrique… Tout un arsenal visant à manipuler les esprits, rassemblé sous le terme de « guerre hybride » par le chef d’état-major des armées russes, Valeri Guerassimov, et promis à une terrifiante prospérité. On connaît déjà l’IA et les deepfakes (trucages numériques), mais ce n’est qu’un début, prévient Hervé le Guyader.

« Ce qui rend le phénomène actuel différent, dans sa nature, c’est qu’on peut désormais faire du ‘‘sur-mesure de masse’‘ »

Quoi de neuf là-dedans ? Influence et subversion ne sont pas des idées neuves. Dans son « L’Art de la guerre », Sun Tzu parlait déjà de « vaincre sans combattre ». La CIA a déjà fantasmé sur le contrôle des esprits via son programme MK-Ultra. Et l’utilisation par l’armée française de la « guerre psychologique » (gagner les populations), apprise au contact du Viêt-Minh, n’a pas empêché l’indépendance de l’Indochine puis de l’Algérie…

« Ce qui rend le phénomène actuel différent, dans sa nature, des anciennes ‘‘PsyOps’’, c’est la convergence de trois phénomènes : les progrès de la connaissance du fonctionnement du cerveau, ceux de la puissance de calcul des ordinateurs, et leurs synergies. L’interdisciplinarité. On peut désormais faire du ‘‘sur-mesure de masse’‘. » Dans cette guerre pour le contrôle des comportements, par l’exploitation de nos biais cognitifs, tout le monde est en première ligne, même en temps de paix.

Pour développer ses vues de façon attractive, Hervé Le Guyader a utilisé une forme abordable par tous : la fiction utile (en anglais, Ficint, « fictional intelligence », pour la combinaison de l’écriture de fiction et de l’intelligence pour imaginer des scénarios). D’abord pour le compte de l’Otan. Puis, pour un éditeur civil, Les Équateurs, déjà rompu à cet exercice – il a déjà fait paraître trois volumes de la « Red Team », une équipe pluridisciplinaire chargée d’imaginer « Ces guerres qui nous attendent 2030-2060 », à l’initiative des militaires français.

Termites…

Dans « Black Trends », sorti fin 2023, Hervé le Guyader signe une nouvelle se déroulant en 2037, intitulée « Termites, fourmis et frelons ». Ces insectes symbolisent « les agressions sur le facteur humain selon trois temporalités ». Les termites, invisibles, « sapent » sur le long terme les sociétés cibles, grâce à la captation des données et à des modèles prédictifs générés par calculateurs quantiques (« jumeaux numériques ») pour optimiser leurs campagnes de déstabilisation.

Les fourmis, discrètes, attaquent des groupes ou des cibles spécifiques lors d’opérations de moyen terme. Dans la nouvelle, en utilisant les bionanotechnologies et les capteurs intégrés dans nos corps. Les frelons usent de moyens létaux ponctuels.. Dans « Termites… », c’est une « neurostrike » (attaque sur le cerveau, type syndrome de la Havane par des moyens électromagnétiques).

De la SF délirante ? Pour ces fictions, l’auteur n’utilise « que des technologies qui sont déjà dans les labos. Il ne faut tomber dans aucun de ces deux écueils que sont la paranoïa et la naïveté. Mais il faut savoir que les synergies entre les technologies qu’on appelle émergentes et disruptives (quantique, IA, big data, neuro et bio de synthèse) peuvent être envisagées pour hacker le ‘‘software’‘ (logiciel) humain via les portes d’entrées de son « hardware » (corps) et de son « wetware » (fluides), qui sont nos sens. » Donc d’inhiber ou influer nos processus de décision, voire de tuer. « Et ça, c’est effrayant », reconnaît Hervé Le Guyader.

« Les tabous qui existent dans nos sociétés n’ont pas forcément cours chez nos ‘‘adversaires systémiques’’ »

Celui-ci est aussi préoccupé par « l’inégalité des armes : « Ces technologies sont à la fois porteuses de progrès, notamment médicaux, et de menaces. Malheureusement, les tabous qui existent dans nos sociétés n’ont pas forcément cours chez nos ‘‘adversaires systémiques’’ ». Russie, Chine… et groupes non étatiques.

Comment se protéger

Toute la question est : comment protéger de ces agressions « non cinétiques » (moyens militaires classiques) les militaires et les infrastructures chargés du commandement et du contrôle des opérations ? Mais aussi nos sociétés et les individus qui la composent, fragilisés par leurs propres inventions ? L’ingénieur bordelais exhorte l’Otan « à adopter une vision globale. » À moyen terme, il estime qu’il faudra songer à une régulation des réseaux sociaux.

Et, pourquoi pas, à poursuivre le sillon de la « Ficint », mais sur écran… « Je rêve d’une série grand public type ‘‘Le Bureau des légendes’‘. L’important, pour rendre nos sociétés plus résilientes, c’est de faire prendre conscience aux gens qu’ils sont ciblés en tant qu’individus », plaide-t-il. Pas parano, mais pas rassurant…

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