Les États-Unis ont annoncé cette semaine la création d’une force navale multinationale pour contrer le blocus de la mer Rouge par le Yémen. Ils ont également prévenu qu’ils étaient prêts à effectuer des frappes militaires en représailles contre le pays arabe.
Les enjeux sont considérables. En contrôlant l’étroit détroit de Bab el-Mandeb, qui débouche sur l’océan Indien, les Yéménites contrôlent la route maritime mondiale de la mer Rouge, d’une importance vitale. L’impact de la fermeture de ce point d’étranglement sur le commerce mondial est énorme. C’est pourquoi les Étatsuniens et leurs alliés européens sont passés à l’action en menaçant de prendre des mesures de rétorsion.
En réponse, les forces armées yéménites, alliées au mouvement rebelle houthi, ont envoyé promener les Étatsuniens.
Les Yéménites ont averti qu’ils ont des missiles balistiques pour couler tout navire de guerre ou sous-marin que les États-Unis et leurs alliés déploient dans la région. Les Yéménites ont ajouté qu’ils continueraient à bloquer les cargos utilisant la route de la mer Rouge jusqu’à ce que le génocide à Gaza s’arrête.
Au cours de la dernière semaine, le Yémen a intensifié son interdiction des cargos tentant de transiter par la route de la mer Rouge. Plusieurs grands conglomérats de transport maritime ont confirmé que leurs navires sont réacheminés autour du continent africain. Les coûts de transport supplémentaires et la perturbation des chaînes d’approvisionnement augmentent déjà l’inflation des prix dans les économies occidentales, ce qui ajoute aux difficultés économiques déjà douloureuses et aux dommages politiques pour les gouvernements méprisés par les populations en difficulté.
Les Yéménites affirment qu’ils ne visent que les navires liés à Israël, mais il semble que la détérioration des conditions de sécurité dans l’étroit corridor maritime décourage toutes les compagnies maritimes. Le détroit de Bab el-Mandeb, large de 32 kilomètres, chevauche le Yémen et la Corne de l’Afrique. Des centaines de porte-conteneurs et de pétroliers l’empruntent chaque jour pour transporter des marchandises de l’Asie vers l’Europe en passant par la mer Rouge et le canal de Suez, l’autre point d’étranglement situé plus au nord, en Égypte. La fermeture d’un point d’étranglement entraîne la fermeture de l’ensemble de la route.
Les États-Unis ont tenté de présenter la force opérationnelle de la marine comme une opération de maintien de l’ordre visant à protéger le commerce international et la liberté de navigation.
Les Yéménites, quant à eux, ont déclaré que leur perturbation de la navigation affiliée à Israël était une action légitime de solidarité avec les Palestiniens.
Le secrétaire d’État étatsunien Lloyd Austin a annoncé la nouvelle coalition navale, baptisée «Opération Prosperity Guardian». «La récente escalade des attaques inconsidérées des Houthis en provenance du Yémen menace la libre circulation du commerce, met en danger des marins innocents et viole le droit international. La mer Rouge est une voie navigable essentielle à la liberté de navigation et un corridor commercial majeur qui facilite le commerce international. Les pays qui cherchent à faire respecter le principe fondamental de la liberté de navigation doivent s’unir pour relever le défi posé par cet acteur non étatique qui lance des missiles balistiques et des véhicules aériens sans équipage (UAV) sur des navires marchands de nombreuses nations qui transitent légalement dans les eaux internationales».
Mohammed Abdel-Salam, porte-parole des rebelles houthis du Yémen, a réagi en ces termes : «La coalition formée par les États-Unis vise à protéger Israël et à militariser la mer Rouge sans aucune justification, et elle n’empêchera pas le Yémen de poursuivre ses opérations légitimes de soutien à Gaza. Nous ne faisons pas de démonstration de force contre qui que ce soit [à l’exception d’Israël]. Quiconque cherche à étendre le conflit doit assumer les conséquences de ses actes».
Les Étatsuniens tentent de faire croire que les Yéménites agissent comme des pirates de mer criminels et que la force opérationnelle dirigée par les États-Unis sert noblement les intérêts du commerce international et de la navigation pacifique.
Washington et ses alliés ne peuvent pas admettre publiquement que leurs actions visent à soutenir Israël. L’offensive génocidaire sur Gaza depuis le 7 octobre, au cours de laquelle près de 20 000 civils ont été assassinés, est politiquement intenable pour les alliés occidentaux d’Israël.
La task force navale lancée par les États-Unis cette semaine comprend neuf autres nations : Grande-Bretagne, France, Italie, Pays-Bas, Espagne, Norvège, ainsi que les Seychelles et Bahreïn. Ces deux derniers pays sont des parties non occidentales symboliques qui donnent l’impression qu’il ne s’agit pas ouvertement d’une coalition impérialiste occidentale. C’est à Bahreïn que la cinquième flotte de la marine étatsunienne est basée dans le golfe Persique, et il est donc logique que cette petite monarchie soit incluse dans la simple logistique.
Toutefois, le fait marquant est qu’aucune autre nation arabe du Golfe n’est impliquée dans la force opérationnelle. L’Égypte est également absente, bien qu’il s’agisse d’un important pays côtier de la mer Rouge, tout comme l’Arabie saoudite. Leur absence dément la justification officielle des États-Unis. Si l’opération Prosperity Guardian visait réellement à protéger le commerce et la navigation internationale, pourquoi les États arabes de la mer Rouge ne s’y associent-ils pas ? Bien entendu, ils ne le font pas, car le véritable objectif de la task force est d’aider Israël.