Désormais baptisé "Mon Espace Santé", le carnet de santé numérique des Français semble enfin prendre son envol, après deux décennies de tâtonnements.
En un peu plus d'un an, 8,4 millions de personnes, soit 13% de la population, ont demandé les clefs (le mot de passe) de ce coffre-fort numérique, qui conserve leurs résultats d'analyse biologique et d'imagerie médicale, leurs comptes-rendus d'hospitalisation ou de consultation, ordonnances et autres documents de santé.
Mais plus que ce nombre d'utilisateurs, somme toute encore modeste (l'objectif est de couvrir toute la population), le ministère de la Santé se félicite de la forte croissance du nombre de documents stockés dans les Espaces de santé des Français.
Aujourd'hui, près de 10 millions de documents sont déposés chaque mois par hôpitaux, laboratoires et praticiens. C'est à peu près la moitié de l'objectif fixé à terme pour Mon Espace Santé (soit 250 millions de documents stockés par an), souligne le ministère.
Et c'est déjà autant, en un mois, que ce qu'avait rassemblé dans toute son existence le Dossier médical partagé (DMP), prédécesseur de Mon Espace de Santé, lui-même énième avatar d'un projet lancé en 2004 et refondu à plusieurs reprise.
Ce qui différencie Mon Espace Santé des tentatives précédentes? Il a été créé automatiquement pour chaque assuré social, sauf opposition écrite de celui-ci. Et il est approvisionné en documents, là encore automatiquement, grâce à l'effort de mise à jour de l'armada de logiciels médicaux utilisés par les soignants.
Pour l'instant, les établissements hospitaliers et les laboratoires d'analyse médicale sont les principaux pourvoyeurs, avec respectivement 34 et 33% des documents expédiés sur les Espaces des Français. L'enjeu est désormais de convaincre les praticiens libéraux d'approvisionner plus largement l'Espace santé de leur patients.
Nouvelles fonctionnalités
Mon Espace Santé est "un progrès majeur en France", selon Arthur Dauphin, chargé de mission à France Assos Santé, qui fédère les associations d'usagers du système de santé.
"Chaque usager peut bénéficier" de ce regroupement au même endroit de tous ses documents médicaux, et ce, même s'il les garde pour lui-même, en refusant de le partager avec ses soignants, indique-t-il. Pour apaiser les craintes d'un "Big Brother" sanitaire, les usagers ont en effet la possibilité s'ils le veulent d'occulter certains, voire tous les documents versés dans leur coffre-fort numérique.
Des associations de défense des libertés ont mis en garde contre Mon Espace Santé, dont La Quadrature du net, qui avait appelé les Français à refuser expressément la création d'un compte. "Tout fichier centralisé, toute base de données, présente le défaut de centraliser des données dont la dispersion peut paradoxalement être un avantage", estimait-elle lors du lancement public de Mon Espace Santé. La Quadrature critiquait notamment la manière dont ce coffre-fort numérique gère les consentements des utilisateurs, qui n'est selon elle ni "respectueuse", ni "fiable", ni "réaliste".
L'appel au boycott semble avoir été peu entendu, puisque seuls 2% des Français ont expressément refusé la création d'un compte, selon les chiffres du ministère.